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23/04/2001 | FRANCE | N°200155

France | France, Conseil d'État, 23 avril 2001, 200155


Vu, 1°) sous le n° 200155, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 octobre 1998 et 27 janvier 1999 au secrétariat du contentieux de la section du Conseil d'Etat, présentés pour la Société RENAULT AUTOMATION, dont le siège est ... (92109 cedex) ; la Société RENAULT AUTOMATION demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 2 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy l'a condamnée solidairement avec les héritiers de M. A..., MM. Y... et Z... et les sociétés Eurelast et Billon Structures à payer à la COMMUNE DU VAL D'AJO

L la somme de 454 368 F augmentée des intérêts au taux légal et capi...

Vu, 1°) sous le n° 200155, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 octobre 1998 et 27 janvier 1999 au secrétariat du contentieux de la section du Conseil d'Etat, présentés pour la Société RENAULT AUTOMATION, dont le siège est ... (92109 cedex) ; la Société RENAULT AUTOMATION demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 2 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy l'a condamnée solidairement avec les héritiers de M. A..., MM. Y... et Z... et les sociétés Eurelast et Billon Structures à payer à la COMMUNE DU VAL D'AJOL la somme de 454 368 F augmentée des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, ainsi que les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 86 178 F, en réparation des malfaçons affectant la piscine de type "caneton" construite dans cette commune et l'a condamnée à garantir les architectes à concurrence d'un tiers de la condamnation prononcée contre eux ;
Vu, 2°) sous le n° 200156, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 octobre 1998 et 2 février 1999, présentés pour la COMMUNE DU VAL D'AJOL, représentée par son maire en exercice ; la commune demande au Conseil d'Etat d'une part, d'annuler le même arrêt du 2 juillet 1998 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il rejette une partie de ses conclusions, d'autre part, de condamner les défendeurs au pourvoi à lui payer la somme de 14 472 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Casas, Auditeur,
- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la Société RENAULT AUTOMATION, de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la COMMUNE DU VAL D'AJOL, de Me Roger, avocat de M. A... et autres, de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la Compagnie Assurances Mutuelle de France G.A.M.F. et de Me Odent, avocat de la S.A. Imatec,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la Société RENAULT AUTOMATION et de la COMMUNE DU VAL D'AJOL sont dirigées contre le même arrêt du 2 juillet 1998 de la cour administrative d'appel de Nancy ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 8 juin 1993, la cour administrative d'appel a condamné solidairement les consorts A..., MM. Y... et Z... et les sociétés Eurelast, Billon structures et S.E.R.I. (Société d'Etudes et de Réalisation Industrielles Renault engineering) aux droits de laquelle vient la Société RENAULT AUTOMATION, à payer à la COMMUNE DU VAL D'AJOL la somme de 454 368 F au titre des désordres constatés après la construction d'une piscine de type "caneton" dans cette commune, décidé que le montant de cette condamnation porterait intérêt au taux légal à compter du 19 février 1986 et que les intérêts échus seraient capitalisés à certaines dates pour produire eux-mêmes intérêts, décidé que les mêmes personnes supporteraient solidairement les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 86 178 F, et verseraient solidairement à la commune de Val d'Ajol la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, condamné la Société RENAULT AUTOMATION à garantir les consorts A... à concurrence d'un tiers de la condamnation solidaire prononcée contre eux, enfin, jugé que la charge définitive des condamnations prononcées contre les constructeurs serait supportée par les architectes dans la proportion de 70 % et par les sociétés Eurelast et Billon Structures à raison respectivement de 20 % et 10 % ;
Sur la requête de la Société RENAULT AUTOMATION :
En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de la Société RENAULT AUTOMATION :
Considérant que seules les personnes ayant passé un contrat de louage avec le maître de l'ouvrage peuvent être condamnées envers celui-ci à réparer les conséquences dommageables d'un vice de cet ouvrage imputable à sa conception ou à son exécution ; que si elle a participé à l'opération de travaux publics de construction de la piscine située dans la COMMUNE DU VAL D'AJOL, la Société RENAULT AUTOMATION n'est pas intervenue dans le cadre d'un contrat de louage d'ouvrage ; que, par suite, en jugeant recevables tant l'action de la commune tendant à rechercher la responsabilité quasi délictuelle de la Société RENAULT AUTOMATION à raison de sa part de responsabilité dans la survenance des désordres et dont la commune porte la charge que l'appel provoqué de la Société RENAULT AUTOMATION tendant à ce que l'Etat la garantisse des condamnations prononcées contre elle, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il a jugé ces conclusions recevables et, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de les rejeter comme non recevables ; ;
En ce qui concerne l'appel en garantie des architectes dirigé contre la Société RENAULT AUTOMATION :

Considérant que le responsable d'un dommage condamné à indemniser la victime n'est fondé à être garanti par un tiers que si et dans la mesure où les condamnations qu'il supporte correspondent à un dommage également imputable à ce tiers ;
Considérant que la cour administrative d'appel a souverainement apprécié que le comportement fautif de l'Etat était de nature à atténuer de 40 % la responsabilité des constructeurs et de la Société RENAULT AUTOMATION ; qu'ainsi, les fautes imputables à cette société n'ont pas, contrairement à ce qu'elle soutient, été incorporées à celle de l'Etat et n'ont, par conséquent, pas été prises en compte dans cette atténuation ; que, par suite, la cour administrative d'appel a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que les architectes étaient fondés à demander à être garantis par la Société RENAULT AUTOMATION des condamnations mises à leur charge ; que la Société RENAULT AUTOMATION n'est, par suite, pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il met à sa charge cette garantie ;
En ce qui concerne les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Société RENAULT AUTOMATION qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la société S.A. Azur Assurances, aux consorts A..., à la COMMUNE DU VAL D'AJOL et à la société Imatec, les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Sur la requête de la COMMUNE DU VAL D'AJOL :
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :
Considérant en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge de fond que l'Etat s'est vu conférer par la COMMUNE DU VAL D'AJOL, par convention passée le 24 juin 1975, la maîtrise d'ouvrage déléguée de la piscine ; que, par suite, en jugeant que la commune ne pouvait exercer à l'encontre de l'Etat, en raison des suites de cette convention, d'autre action que celle qui en procède et qu'ainsi la commune n'était pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement quasi délictuel, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en second lieu, que la cour administrative d'appel n'a pas davantage commis d'erreur de droit en estimant qu'après la réception définitive de l'ouvrage, qui valait quitus pour le maître d'ouvrage délégué, la responsabilité de l'Etat à l'égard de la COMMUNE DU VAL D'AJOL ne pouvait plus être recherchée que dans l'hypothèse où le maître d'ouvrage délégué aurait eu un comportement fautif qui, par sa nature et sa gravité, serait assimilable à une fraude ou à un dol ; qu'après avoir relevé les faits survenus et souverainement apprécié l'absence d'intention dolosive, la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a pas commis d'erreur de qualification en déniant à ces faits le caractère de faute assimilable à une fraude ou à un dol ;
En ce qui concerne le montant des réparations :

Considérant que la cour administrative d'appel, après avoir estimé souverainement que la part de responsabilité des constructeurs et de la Société RENAULT AUTOMATION, déduction faite de la part imputable à des fautes de l'Etat, s'élevait à 60 % du montant total des réparations nécessaires à la remise en état de l'ouvrage, a souverainement évalué ce montant à 757 280 F et a ainsi condamné les constructeurs et la Société RENAULT AUTOMATION à payer à la commune la somme de 454 368 F ;
En ce qui concerne les frais d'expertise :
Considérant que, dans un mémoire enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 26 avril 1994, la COMMUNE DU VAL D'AJOL a demandé, d'une part, que lui soient alloués les intérêts sur les frais d'expertise dont elle avait fait l'avance et, d'autre part, que ces intérêts soient capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;
Considérant que, dans les motifs de l'arrêt attaqué, la cour a estimé qu'il convenait de faire droit à la demande de la commune tendant au paiement des intérêts sur les frais d'expertise pour autant qu'elle justifierait avoir avancé ces frais et à compter de la date du paiement ; que, toutefois, dans le dispositif de son arrêt, la cour s'est bornée, d'une part, à mettre les frais d'expertise à la charge des architectes, des sociétés Eurelast, Billon Structures et RENAULT AUTOMATION et, d'autre part, à rejeter le surplus des conclusions de la commune ; que, par suite, la COMMUNE DU VAL D'AJOL est fondée à soutenir que l'arrêt attaqué, en tant qu'il concerne les intérêts sur les frais d'expertise, est entaché de contradiction entre ses motifs et son dispositif et, par suite, à en demander l'annulation sur ce point ;
Considérant, en revanche, que si la commune a régulièrement demandé la capitalisation des intérêts, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ces demandes visaient les intérêts sur les condamnations au titre de l'action en responsabilité et non les intérêts sur les frais d'expertise ; qu'ainsi, s'agissant de ces derniers, la cour a pu légalement juger que la commune, qui n'établissait pas qu'elle avait effectivement avancé les frais d'expertise et ne justifiait donc pas du point de départ des intérêts, ne remplissait pas la condition prévue par l'article 1154 du code civil selon laquelle les intérêts sont capitalisés lorsqu'il est dû au moins une année d'intérêts ;
Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de condamner les personnes à la charge desquelles les frais d'expertise ont été mis, de verser les intérêts de la somme correspondante à la commune, pour autant qu'elle justifiera avoir avancé ces frais et à compter de la date du paiement ;
En ce qui concerne les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer aux consorts A... les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de condamner les défendeurs au pourvoi à payer à la COMMUNE DU VAL D'AJOL la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés ; qu'il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE DU VAL D'AJOL à payer à la société S.A Azur Assurances la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 2 juillet 1998 est annulé, d'une part, en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la COMMUNE DU VAL D'AJOL tendant à la condamnation de la Société RENAULT AUTOMATION sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle et en tant qu'il a jugé recevable l'appel provoqué de la Société RENAULT AUTOMATION tendant à ce que l'Etat la garantisse des condamnations prononcées contre elle et, d'autre part, en tant qu'il se prononce sur la demande de la COMMUNE DU VAL D'AJOL tendant à ce que lui soient alloués les intérêts sur les frais d'expertise.
Article 2 :Le montant de la condamnation relative au frais d'expertise, prononcée à l'article 5 de l'arrêt attaqué, portera intérêts au taux légal à compter du 26 avril 1994 au bénéfice de la COMMUNE DU VAL D'AJOL.
Article 3 : Les conclusions d'appel de la COMMUNE DU VAL D'AJOL tendant à la condamnation de la Société RENAULT AUTOMATION sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la Société RENAULT AUTOMATION et le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DU VAL D'AJOL sont rejetés.
Article 5 : Les conclusions de la société S.A Azur Assurances, des consorts A..., de la COMMUNE DU VAL D'AJOL et de la société Imatec tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Société RENAULT AUTOMATION, à la COMMUNE DU VAL D'AJOL, à Mme Veuve André A..., à Mlle Agnès A..., à M. Pierre-Jack A..., à M. Jean-Paul X..., à M. Franck Z..., aux sociétés Eurelast et Billon Structures, à la S.A Imatec, à la S.A. Azur Assurances et au ministre de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 200155
Date de la décision : 23/04/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

39-06-01 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE


Références :

Code civil 1154
Code de justice administrative L821-2, L761-1


Publications
Proposition de citation : CE, 23 avr. 2001, n° 200155
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Casas
Rapporteur public ?: Mme Bergeal

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:200155.20010423
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