Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 avril 1999, présentée par M. Mohamed X..., élisant domicile chez son avocat, Me Y..., ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 février 1999 par laquelle le consul général de France à Casablanca (Maroc) lui a refusé la délivrance d'un visa de court séjour en France ;
2°) d'ordonner audit consul de lui délivrer un visa de court séjour, sous astreinte de 5 000 F par jour de retard ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment son article 5 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que le moyen tiré de ce que la requête de M. X... ne comportait pas de timbre, en méconnaissance des dispositions de l'article 1089 B du code général des impôts, manque en fait ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : "1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des Parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : ... d) Ne pas être signalé aux fins de non admission ... 2. L'entrée sur les territoires des Parties contractantes doit être refusée à l'étranger qui ne remplit pas l'ensemble de ces conditions, sauf si une Partie contractante estime nécessaire de déroger à ce principe pour des motifs humanitaires ou d'intérêt national ou en raison d'obligations internationales" ; qu'il résulte de l'article 15 de la même convention qu'un visa de court séjour ne peut être délivré que si l'étranger satisfait aux conditions d'entrée fixées à l'article 5 ;
Considérant qu'aux termes du 1° de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "Par dérogation aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques et consulaires, ne sont pas motivées sauf dans le cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat : ( ...) personnes faisant l'objet d'un signalement aux fins de non admission au Système d'information Schengen ( ...)" ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires, que la motivation d'un refus de visa opposé à une personne signalée aux fins de non admission au Système d'information Schengen doit comporter l'indication de l'Etat auteur du signalement afin de permettre à la personne en cause d'exercer, le cas échéant, les recours qui lui appartiennent à l'encontre de la décision de signalement ;
Considérant que la décision du 24 février 1999 refusant le visa demandé par M. X... en raison de son signalement au Système d'information Schengen se borne à faire référence aux articles 5 et 15 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ; que, faute d'indiquer l'autorité nationale qui a procédé au signalement de l'intéressé, la décision attaquée ne satisfait pas à l'exigence de motivation imposée par l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que la mention selon laquelle le droit d'accès aux signalements s'exerce auprès de la commission nationale de l'informatique et des libertés ne saurait tenir lieu d'une telle motivation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat enjoigne au consul général de France à Casablanca de délivrer un visa de court séjour à M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;
Considérant que si la présente décision, qui annule la décision du consul général de France à Casablanca du 24 février 1999, a pour effet de saisir à nouveau ce dernier de la demande de visa de court séjour de M. X..., son exécution n'implique pas que ledit consul lui délivre un tel visa ; que, par suite, les conclusions susanalysées sont irrecevables ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du consul général de France à Casablanca du 24 février 1999 est annulée.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... la somme de 5 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed X... et au ministre des affaires étrangères.