Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ; le PREFET DE LA VIENNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 juin 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal de Poitiers a annulé sa décision du 6 mai 1999 fixant Djibouti comme pays à la destination duquel M. Bourhan Y...
X... doit être reconduit ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Yacoub X... devant le tribunal administratif de Poitiers, dirigée contre la décision précitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Méda, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. Yacoub X...,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de l'appel incident M. Yacoub X... tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.Yacoub X..., de nationalité djiboutienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 10 février 1999, de l'arrêté du 5 février 1999 par lequel le PREFET DE LA VIENNE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ( ...)" ; que les termes du 3° de l'article 12 bis précité mentionnent : "( ...) L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ( ...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des propres déclarations de l'intéressé, que son séjour sur le territoire français a été interrompu lors de son retour dans son pays d'origine entre 1992 et 1993 ; qu'ainsi, à la date à laquelle un titre de séjour lui a été refusé, il ne résidait pas en France depuis plus de dix ans ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'illégalité au motif que le PREFET DE LA VIENNE n'a pas saisi ladite commission ;
Considérant, d'autre part, que la circulaire du 12 mai 1998 est dépourvue de caractère réglementaire ; que le requérant ne peut donc utilement s'en prévaloir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.Yacoub X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 mai 1999 par lequel le PREFET DE LA VIENNE a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions du PREFET DE LA VIENNE tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a annulé sa décision fixant le pays de renvoi :
Considérant que, par une décision du 6 mai 1999, le PREFET DE LA VIENNE a décidé que M.Yacoub X... sera reconduit à destination de Djibouti ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a exercé et exerce des activités politiques dans l'opposition aux autorités de Djibouti qui sont connues de celles-ci ; que ses allégations, accompagnées des attestations correspondantes, selon lesquelles il court des risques personnels en cas de retour dans son paysd'origine, sont de nature à établir dans les circonstances de l'espèce, qu'il serait susceptible d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants ; que par suite, la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors, le PREFET DE LA VIENNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision fixant Djibouti comme pays de destination ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. Yacoub X... tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ordonnant sa reconduite à la frontière doivent être rejetées, et que les conclusions de la requête du PREFET DE LA VIENNE tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il annule la décision fixant Djibouti comme pays de renvoi doivent également être rejetées ;
Article 1er : La requête du PREFET DE LA VIENNE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'appel incident de M. Yacoub X... sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA VIENNE, à M. Bourhan Y...
X... et au ministre de l'intérieur.