Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 19 février 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 17 décembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Guobiao X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
- les conclusions de Melle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ; qu'il n'est pas contesté que M. X..., de nationalité chinoise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 7 août 1998, de la décision du PREFET DE POLICE du 1er juillet 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut décider de la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... est entré irrégulièrement en France en 1990 ; qu'il a été rejoint en 1994 par ses trois enfants aujourd'hui majeurs et, en 1997 au plus tard, par son épouse ; que ses deux aînés sont titulaires d'une carte de séjour temporaire et ont fondé en France une famille ; que M. X... fait valoir qu'il n'a plus aucune attache familiale dans son pays d'origine et qu'il réside en France de façon continue depuis son arrivée en 1990 ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté du 17 décembre 1998 a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaît, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 décembre 1998 ;
Sur les conclusions présentées par M. X... et tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE POLICE de lui délivrer une carte de séjour temporaire :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ( ...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;
Considérant que la présente décision n'implique pas nécessairement que le PREFET DE POLICE délivre à M. X... un titre de séjour temporaire mais le contraint seulement à délivrer une autorisation provisoire de séjour ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit délivré un titre de séjour temporaire à M. X..., doivent être écartées ;
Sur les conclusions présentées par M. X... et tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 5 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à payer au requérant la somme de 5 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. X... devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Guobiao X... et au ministre de l'intérieur.