Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 17 mars 2000, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 février 2000, par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 8 février 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Victoire X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., de nationalité congolaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 22 juin 1999, de l'arrêté du 4 juin 1999 par lequel le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X... a fait valoir qu'elle est entrée en France pour ses études en 1989 ; qu'elle y a résidé régulièrement jusqu'en décembre 1997 ; qu'elle a contracté en 1993 un mariage coutumier avec un compatriote titulaire d'une carte de résident ; que, depuis la mort de ses parents et de sa soeur, sa belle-famille, dans laquelle elle vit, est sa seule famille ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme X... vit depuis la fin de l'année 1997 dans sa belle-famille à Toulouse, alors que son époux coutumier habite Reims et vient la voir une fois par mois ; qu'elle ne produit aucune pièce susceptible d'établir le décès de ses parents et le nombre de ses frères et soeurs ; que, dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel un étranger sera reconduit est une décision distincte de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, qui peut être prise indépendamment de cet arrêté ; que si Mme X... soutient que la dissociation de l'arrêté et de la décision méconnaîtrait les garanties prévues par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les litiges concernant la reconduite à la frontière n'entrent pas dans le champ d'application de cet article ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à demander l'annulation du jugement du 21 février 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 8 février 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
Article 1er : Le jugement du 21 février 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Toulouse par Mme X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, à Mme Victoire X... et au ministre de l'intérieur.