Vu la requête, enregistrée le 7 juin 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 avril 2000, par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 mars 2000, ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... Kalidou Keita ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans; Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité sénégalaise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 14 mai 1999, de la décision du 29 avril 1999 du PREFET DE POLICE lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... a fait valoir qu'il est entré en France en 1982, qu'il y travaille, paye ses impôts et que ses trois frères, dont l'un l'héberge, sont titulaires de cartes de résidents ; qu'en outre, ayant perdu un oeil, il a été opéré en France en 1985 et qu'il est suivi médicalement depuis cette date ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. X..., qui était âgé de 47 ans à la date de l'arrêté attaqué, est célibataire, sans charges de famille, et que ses trois soeurs résident au Sénégal ; que, dans ces circonstances, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué et la décision fixant le pays de destination, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que M. X... ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le PREFET DE POLICE ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 4 avril 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 mars 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'avocat de M. X... la somme qu'il demande au titre des frais qu'aurait dû exposer l'intéressé s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle ;
Article 1er : Le jugement du 4 avril 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. X... et ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Y... Kalidou Keita et au ministre de l'intérieur.