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04/05/2001 | FRANCE | N°223402

France | France, Conseil d'État, 9 ss, 04 mai 2001, 223402


Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 juin 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a, d'une part, regardé son arrêté du 6 juin 2000 comme se substituant implicitement à l'arrêté du 16 octobre 1998 du préfet des Yvelines ordonnant la reconduite à la frontière de M. Cheickne X... et, d'autre part, prononcé l'annulation de cette décision ;> 2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal admin...

Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 juin 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a, d'une part, regardé son arrêté du 6 juin 2000 comme se substituant implicitement à l'arrêté du 16 octobre 1998 du préfet des Yvelines ordonnant la reconduite à la frontière de M. Cheickne X... et, d'autre part, prononcé l'annulation de cette décision ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant que, par arrêté en date du 16 octobre 1998, le préfet des Yvelines a ordonné la reconduite à la frontière de M. X..., qui s'était maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 24 avril 1998, de la décision lui refusant un titre de séjour ; que, par une décision en date du 6 juin 2000, le PREFET DE L'ESSONNE a ordonné le placement de M. X... dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire et sa reconduite à Bamako, au Mali, le 13 juin 2000 au plus tard ;
Considérant, en premier lieu, que lorsqu'un arrêté de reconduite à la frontière a été dépourvu de mesure d'exécution pendant une durée anormalement longue, caractérisée par un changement de circonstances de fait ou de droit, et que ce retard est exclusivement imputable à l'administration, l'exécution d'office d'une reconduite à la frontière doit être regardée comme fondée non sur l'arrêté initial, même si celui-ci est devenu définitif faute d'avoir été contesté dans les délais, mais sur un nouvel arrêté de reconduite à la frontière, dont l'existence est révélée par la mise en oeuvre de l'exécution d'office elle-même et qui doit être regardé comme s'étant substitué à l'arrêté initial ; qu'en l'espèce, plus d'un an et demi s'est écoulé entre l'intervention de l'arrêté du 16 octobre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... et la décision du 6 juin 2000 ordonnant son placement dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire en vue d'assurer l'exécution d'office de cet arrêté ; que, durant cette période, M. X... a noué une relation stable avec une ressortissante française, dont, à la date du 6 juin 2000, il attendait une fille, née le 18 juillet 2000 ; que le domicile de M. X..., où l'arrêté de reconduite à la frontière a été notifié, était connu des autorités chargées d'exécuter cet arrêté ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le retard mis à exécuter cette décision trouverait son origine dans la volonté de l'intéressé de s'y soustraire ou dans une autre cause étrangère à l'autorité administrative ; que, dès lors, eu égard au changement intervenu dans la situation de M. X... et à la durée écoulée depuis la notification de l'arrêté du 16 octobre 1998, le PREFET DE L'ESSONNE, en prenant le 6 juin 2000, en sus d'une décision plaçant l'intéressé en rétention administrative, les mesures propres à assurer l'exécution de l'arrêté susmentionné, a pris une nouvelle mesure de reconduite à la frontière qui s'est substituée à l'arrêté initial et dont M. X... a régulièrement demandé l'annulation ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... vit en concubinage avec une ressortissante française, qu'à la date du 6 juin 2000, sa compagne était enceinte d'un enfant, qu'il a reconnu avant sa naissance, et que son salaire d'ouvrier du bâtiment constituait la seule source de revenus du ménage ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, en ordonnant, par la décision attaquée, la reconduite à la frontière de M. X..., le PREFET DE L'ESSONNE a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a, d'une part, regardé son arrêté du 6 juin 2000 comme se substituant implicitement à l'arrêté du 16 octobre 1998 du préfet des Yvelines ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... et, d'autre part, prononcé l'annulation de cette décision ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X... une somme de 2 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DE L'ESSONNE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... une somme de 2 000 F en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ESSONNE, à M. Cheickne X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 9 ss
Numéro d'arrêt : 223402
Date de la décision : 04/05/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 16 octobre 1998
Arrêté du 06 juin 2000
Code de justice administrative L761-1
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 04 mai. 2001, n° 223402
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mahé
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:223402.20010504
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