Vu la requête, enregistrée le 8 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Parween Y...
X..., demeurant chez M. Y... Ally, 6 square des Tilleuls à Noisy-le-Sec (93130) ; Mlle SUFFEE X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 mai 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 décembre 1998 du préfet de la Seine-Saint-Denis ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dayan, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle SUFFEE X..., de nationalité mauricienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 2 février 1998, de la décision du 29 janvier 1998 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 3° A l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ( ...)" ;
Considérant qu'il appartenait au préfet de la Seine Saint-Denis, saisi par Mlle SUFFEE X... d'un recours gracieux contre une décision non créatrice de droits, de se prononcer sur ce recours compte tenu de la législation en vigueur à la date de sa nouvelle décision ; qu'en refusant d'examiner la demande de Mlle SUFFEE X... au regard des dispositions précitées de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 issues de la loi du 11 mai 1998, le préfet a entaché la décision du 11 juin 1999 prise sur le recours gracieux de Mlle SUFFEE X... d'une erreur de droit ; que l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux, pris sur le fondement de ce refus illégal de titre de séjour, est lui-même entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle SUFFEE X... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 19 mai 2000 est annulé, ensemble l'arrêté de reconduite à la frontière du 22 décembre 1998.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Parween Y...
X..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.