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14/05/2001 | FRANCE | N°228146

France | France, Conseil d'État, 14 mai 2001, 228146


Vu la requête, enregistrée le 14 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat , présentée par Mme Fatiha Y..., demeurant 33, rue du Parc de Cachan à Cachan (94230) ; Mme Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2000 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination de

la reconduite ;
2°) d'annuler ledit arrêté et la décision distincte fix...

Vu la requête, enregistrée le 14 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat , présentée par Mme Fatiha Y..., demeurant 33, rue du Parc de Cachan à Cachan (94230) ; Mme Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2000 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler ledit arrêté et la décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 500 F par jour de retard à dater du huitième jour suivant la notification de l'arrêt ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : " Le représentant de l'Etat dans le département et à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y..., de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification le 8 janvier 1999, de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 6 janvier 1999, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris, en se fondant sur les pièces du dossier et sur les assertions de la requérante pour décrire la situation familiale de celle-ci en France et en Algérie a contrairement à ce que soutient la requérante suffisamment motivé son jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;

Considérant que si Mme Y... fait valoir qu'entrée en France en 1989, elle vivait en concubinage avec un ressortissant tunisien en situation régulière installé depuis 1972 en France, dont elle a eu un enfant le 30 janvier 2000 et qu'elle a épousé le 11 décembre 2000, que sa soeur, son beau-frère et ses neveux et nièces résident en France et que son époux étant tunisien, il ne pourra obtenir un titre de séjour en Algérie, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée très brève de concubinage et du fait qu'elle n'établit pas être dépourvue de famille dans son pays d'origine, et des conditions de son séjour en France à la date de l'arrêté attaqué, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 2 mars 2000, qui ne fait pas obstacle à ce que Mme Y... emmène son enfant avec elle, n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure ; que par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Hauts-de-Seine ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ne peut en tout état de cause qu'être écarté ; que l'arrêté attaqué n'a pas non plus méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que la circonstance, au demeurant non établie, que M. X..., qui n'était pas le conjoint de Mme Y... à la date de l'arrêté attaqué, soit diabétique et ait besoin d'un traitement n'est pas de nature à établir que le préfet des Hauts-de-Seine, en prenant l'arrêté attaqué, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de la requérante ;
Considérant que la circonstance que Mme Y... n'a jamais troublé l'ordre public est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :
Considérant que si Mme Y... fait valoir qu'en tant que femme seule, mère d'un enfant, elle risque des traitements dégradants dans une région soumise au terrorisme islamiste, il ressort toutefois des pièces du dossier que les allégations de l'intéressée ne sont assorties d'aucune précision ni justification permettant d'établir l'existence de risques personnels qu'elle courrait en cas de retour vers son pays d'origine ; qu'ainsi la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :

Considérant qu'en dehors du cas prévu par l'article L. 911-1 du code de justice administrative dont les conditions d'application ne sont pas remplies en l'espèce, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; qu'ainsi les conclusions de Mme Y... tendant à la régularisation de sa situation administrative doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à Mme Y... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Fatiha Y..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 228146
Date de la décision : 14/05/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 02 mars 2000
Code de justice administrative L911-1, L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 25, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 14 mai. 2001, n° 228146
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:228146.20010514
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