Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Zineb Z..., demeurant chez Mme Souhila Y...
... ; Mme Z... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 septembre 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2000 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Vu la convention de Genève relative au statut des réfugiés ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Z... s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification le 17 mai 1999 de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 11 mai 1999 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour :
Considérant que si à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, Mme Z... invoque l'illégalité de la décision du 23 mars 1999 lui refusant le bénéfice de l'asile territorial, elle doit être regardée comme excipant également de l'illégalité de la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour, fondée notamment sur le refus d'asile territorial, qui n'est pas devenue définitive ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée : "( ...) l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées ( ...)" ; qu'il suit de là que la décision du 23 mars 1999 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé à Mme Z... le bénéfice de l'asile territorial n'avait pas à être motivée et que le moyen tiré de son absence de motivation est inopérant ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Jean de X... bénéficiait d'une délégation de signature du ministre de l'intérieur pour les actes, arrêtés et décisions relevant de la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontière, en vertu du décret du 19 novembre 1997, régulièrement publié le 21 novembre 1997 au Journal officiel ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. de X... n'aurait pas été compétent pour signer la décision du 23 mars 1999 refusant à Mme Z... le bénéfice de l'asile territorial, manque en fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du ministre de l'intérieur portant refus d'asile territorial n'a pas été prise selon une procédure irrégulière ; que, dès lors, Mme Z... n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le préfet des Hauts-de-Seine serait illégal en raison de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur ;
Sur les autres moyens :
Considérant que Mme Z..., qui par ailleurs n'a pas présenté de demande de statut de réfugié, ne aurait utilement invoquer la circonstance qu'elle répondait à la définition de réfugié, telle que retenue par la Convention de Genève ; que le moyen ainsi invoqué, qui est inopérant, doit dès lors être écarté ;
Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :
Considérant qu'il ressort de la rédaction de l'arrêté litigieux et des mentions figurant dans sa notification que ledit arrêté doit être regardé comme comportant une décision fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière de Mme Z... ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le fils de Mme Z... a été assassiné par des groupes terroristes et que la vie de la requérante serait menacée en cas de retour en Algérie ; que, dans ces conditions, le préfet des Hauts-de-Seine ne pouvait légalement décider le renvoi de l'intéressée en Algérie sans méconnaître les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que Mme Z... est fondée à demander l'annulation du jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris du 20 septembre 2000, en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 7 février 2000 en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination de sa reconduite à la frontière et à demander l'annulation de cet arrêté en tant qu'il a cet objet ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris, en date du 20 septembre 2000, en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de Mme Z... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 7 février 2000 en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière ensemble ledit arrêté en tant qu'il a cet objet, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Z... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Zineb Z..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur.