Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 avril et 9 août 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Antoinette Y..., M. José A...
Y..., M. Jean-Marc Delphin Y..., Mme Suzanne Y... épouse Z..., Mme Emmanuelle Y..., Mme Elise Josèphe Y..., M. Luidjy Joachim Y..., M. Lyvia X...
Y..., demeurant rue Joliot-Curie à Saint-Esprit, La Martinique (97270) agissant en qualité d'héritiers de M. Georges-François Y... ; les consorts Y... demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 6 février 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de la commune de Saint-Esprit :
1°) annulé le jugement du 22 novembre 1994 du tribunal administratif de Fort-de-France la condamnant à verser à M. Y... une indemnité de 100 000 F majorée des intérêts légaux à compter du 12 janvier 1988 en réparation du préjudice ayant résulté pour lui de son licenciement par la commune ;
2°) rejeté l'appel incident des requérants tendant, d'une part, à ce que l'indemnité soit portée à 300 000 F, d'autre part, à la condamnation de la commune à leur verser une indemnité en réparation de leur préjudice personnel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Chaubon, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de Mme veuve Y... et de la SCP Gatineau, avocat de la commune de Saint-Esprit,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 22 novembre 1994 du tribunal administratif de Fort-de-France qui avait condamné la commune de Saint-Esprit à indemniser M. Y... du préjudice qu'il avait subi en raison de son licenciement ;
Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant que M. Y... n'établissait pas qu'après son congé de maladie du mois de janvier 1987, les services de la mairie de Saint-Esprit lui auraient indiqué qu'il n'y avait plus de travail et l'auraient invité à ne plus se présenter sur son lieu d'activité professionnelle, la cour administrative d'appel n'a pas méconnu les principes qui gouvernent la charge de la preuve ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en estimant que le licenciement de l'intéressé résultait du refus qu'avait opposé la commune à sa demande du 13 février 1989 de reprendre son travail, la cour a porté sur ces faits, qu'elle n'a pas dénaturés, une appréciation qui ne peut être discutée en cassation et n'a pas commis d'erreur de qualification juridique ;
Considérant, en dernier lieu, que la cour a retenu dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que M. Y... ne s'était manifesté auprès de la commune que plus de deux ans après la suspension de son traitement ; que, dès lors, la cour administrative d'appel a pu légalement en déduire, sans commettre d'erreur de droit, qu'à supposer que le licenciement soit intervenu à la suite d'une procédure irrégulière, l'attitude de l'intéressé faisait obstacle à ce que lui fût reconnu un droit à réparation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête des consorts Y... ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions de la commune de Saint-Esprit tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de faire droit à ces conclusions et de condamner les consorts Y... à payer à la commune de Saint-Esprit la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête des consorts Y... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Esprit tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée aux consorts Y..., à la commune de Saint-Esprit et au ministre de l'intérieur.