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28/05/2001 | FRANCE | N°203674;204132

France | France, Conseil d'État, 7 / 5 ssr, 28 mai 2001, 203674 et 204132


Vu, 1°) sous le n° 203674, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 janvier 1999 et 18 mai 1999, présentés pour le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, MATA UTU (98600) ; le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 1998 du conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna en tant que, par ce jugement, ce conseil l'a condamné à verser à la société en nom collectif Dumez et compagnie, venant aux droits de la société anonyme Dume

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Vu, 1°) sous le n° 203674, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 janvier 1999 et 18 mai 1999, présentés pour le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, MATA UTU (98600) ; le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 1998 du conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna en tant que, par ce jugement, ce conseil l'a condamné à verser à la société en nom collectif Dumez et compagnie, venant aux droits de la société anonyme Dumez et de la société anonyme Dumez international, la somme de 8 434 103 francs CFP au titre de la section n° 3 des travaux d'amélioration routière sur l'île de Wallis effectués par ladite société en exécution du marché n° 396/91 du 24 octobre 1991 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société en nom collectif Dumez et compagnie devant le conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna ;
3°) de condamner la société en nom collectif Dumez et compagnie et, le cas échéant, in solidum, la société anonyme Dumez et la société anonyme Dumez international, à payer au TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA la somme de 25 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu, 2°) sous le 204132, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er février 1999, présentée par le PREFET, ADMINISTRATEUR SUPERIEUR DU TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ; le PREFET, ADMINISTRATEUR SUPERIEUR DU TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 19 novembre 1998 du conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna en tant que, par ce jugement, ce conseil a condamné le territoire des Iles Wallis et Futuna à verser à la société en nom collectif Dumez et compagnie, venant aux droits de la société anonyme Dumez et de la société anonyme Dumez international, la somme de 8 434 103 francs CFP ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 modifiée conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer ;
Vu le décret du 5 août 1881 concernant l'organisation et la compétence des conseils du contentieux administratif dans les colonies et réglementant la procédure à suivre devant ces conseils, ensemble le décret du 7 septembre 1881 le rendant applicable à toutes les colonies françaises ;
Vu le décret n° 90-199 du 28 février 1990 relatif à la présidence du conseil du contentieux administratif des îles Wallis et Futuna ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Peylet, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de la société S.N.C. Dumez et compagnie,
- les conclusions de M. Piveteau , Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA et du PREFET, ADMINISTRATEUR SUPERIEUR DU TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA a attribué à la société Dumez international, par une lettre de marché négocié du 24 octobre 1991, un marché de travaux d'un montant de 65 241 744 francs CFP pour des travaux d'amélioration routière sur l'île de Wallis dont la maîtrise d'oeuvre était assurée par le chef du service des travaux publics du territoire ; que la société anonyme Dumez, venant aux droits de la société Dumez international, et la société en nom collectif Dumez et compagnie, venant aux droits de la société Dumez S.A., ont saisi le conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna d'une demande tendant à ce que la société en nom collectif Dumez et compagnie, qui a exécuté les travaux, soit indemnisée des préjudices qu'elle a subis du fait de l'allongement de la durée de ceux-ci dont s'était rendu responsable le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, qui avait décidé à plusieurs reprises d'ajourner ces travaux et avait tardé à livrer la plate-forme de la section n° 3 ; que, par un jugement du 19 novembre 1998, le conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna, faisant partiellement droit à la demande des sociétés requérantes, a condamné le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA à payer à la société en nom collectif Dumez et compagnie la somme de 8 434 103 francs CFP avec intérêts de droit à compter du 20 juin 1995 ; que le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA relève appel de ce jugement en tant qu'il le condamne au paiement de cette somme au titre de la section n° 3 des travaux effectués par ladite société en exécution du marché du 24 octobre 1991 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après l'absorption de la société Dumez international, titulaire du marché en cause, par la société anonyme Dumez et la création concomitante de la société en nom collectif Dumez et compagnie, les travaux prévus par le contrat ont été exécutés par cette dernière avec l'accord du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA qui lui a adressé les ordres de service ; que, dans ces circonstances et eu égard aux liens entre ces sociétés, la société en nom collectif Dumez et compagnie, qui doit être regardée comme ayant bénéficié d'une cession du marché, avait qualité pour saisir le conseil du contentieux administratif d'une réclamation relative à ce marché ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 90 du cahier général des charges des marchés publics de travaux et de fourniture financés par le Fonds européen de développement, applicable au marché en cause : "L'attributaire peut se prévaloir de faits qu'il impute à l'administration et qui lui occasionneraient un retard ou un préjudice pour obtenir, le cas échéant, la prolongation des délais d'exécution, la révision ou la résiliation du marché ou des dommages-intérêts" ; que le 3 du même article stipule que : "L'attributaire est tenu de dénoncer à l'administration, par lettre recommandée, les faits et circonstances visés aux paragraphes 1 et 2, dès qu'il aurait normalement dû en avoir connaissance et au plus tard le trentième jour de leur survenance" ; qu'aux termes du 2 de l'article 93 de ce même cahier général des charges : "Lorsque l'administration prescrit l'ajournement du marché en dehors des cas précis que le cahier des prescriptions spéciales peut prévoir pour plus de six mois soit avant, soit après un commencement d'exécution, l'attributaire a droit à la résiliation du marché et à une indemnité pour le préjudice éventuellement subi./ Il en est de même dans le cas d'ajournements successifs dont la durée totale dépasse six mois, même dans l'éventualité où l'exécution du marché a été reprise entretemps ( ...)./ Si l'attributaire limite sa demande à une indemnité, celle-ci doit être introduite par lettre recommandée au plus tard soixante jours ( ...) après la réception provisoire de l'ensemble des travaux ..." ; que les stipulations précitées de l'article 93 du cahier général des charges ne subordonnent pas la demande d'indemnité de l'entreprise, en cas d'ajournement des travaux pour une durée supérieure à six mois, à la dénonciation préalable, dans les trente jours de leur survenance, des faits et circonstances dont peut se prévaloir l'attributaire du marché en application de l'article 90 précité du même cahier général des charges pour obtenir des dommages et intérêts ; qu'il résulte de l'instruction qu'en l'espèce les travaux ont été interrompus pendant plus de six mois par le maître de l'ouvrage ; que l'entreprise, à laquelle la décision de réception provisoire sans réserve des travaux a été notifiée par l'ordre de service n° 14 du 4 octobre 1995, avait formulé des réclamations dès le 12 juin 1995, puis les 18 et 21 octobre 1995, soit avant le terme du délai fixé par l'article 93 précité du cahier général des charges ; qu'il en résulte que le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le conseil du contentieux administratif a rejeté les fins de non recevoir qu'il avait opposées aux demandes de la société en nom collectif Dumez et compagnie et qui étaient fondées sur l'absence de dénonciation, par l'entreprise, des faits et circonstances motivant ses demandes dans les délais contractuellement prévus, et sur l'absence de demande d'indemnité de la part de l'entreprise dans les délais prévus par l'article 93 du cahier général des charges ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la contestation des ordres de service n° 8, 10 et 12 serait irrégulière pour avoir été adressée au maître d'oeuvre et non à l'administration comme l'exigeait l'article 71 du cahier général des charges, n'est pas fondé, le maître d'oeuvre se trouvant être également en l'espèce, selon le 6 de la lettre de marché, le fonctionnaire chargé de l'exécution du marché, c'est-à-dire le représentant de l'administration en application de l'article 56 du cahier général des charges ; que, si l'entreprise n'a pas contesté les autres ordres de service, elle n'a pas admis pour autant le retard, qui ne trouve pas son origine dans ces ordres de service, pris par les travaux de la section n° 3 ; que le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le conseil du contentieux administratif a rejeté la fin de non recevoir qu'il avait opposée aux demandes de la société en nom collectif Dumez et compagnie et qui était fondée sur l'acceptation sans réserve des ordres de service ou la contestation irrégulière de ceux-ci ;
Considérant qu'il ressort des stipulations de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en cause "pour autant qu'il complète et n'est pas contraire aux règles communautaires", que l'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général par le maître de l'ouvrage pour faire valoir, dans un mémoire de réclamation adressé au maître d'oeuvre, ses éventuelles réserves ; qu'en adressant la réclamation qu'elle a présentée à l'encontre du décompte général du marché au préfet, administrateur supérieur du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, qui, en cette dernière qualité, représentait le territoire, maître d'oeuvre, la société en nom collectif Dumez et compagnie s'est conformée aux stipulations de l'article 13-44 précité du cahier des clauses administratives générales ; que c'est par suite à bon droit que le conseil du contentieux administratif a rejeté la fin de non recevoir présentée par le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA et relative à la procédure de contestation du décompte général ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la plate-forme de la section n° 3, que le service des travaux publics du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA devait exécuter en régie avant la réalisation du corps de chaussée par l'entreprise, n'a été livrée à cette dernière que le 4 août 1994 alors que le délai d'exécution des travaux confiés à celle-ci expirait le 10 juin 1994 ; qu'il en résulte que la responsabilité du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, qui a tardé à livrer ladite plate-forme, est engagée dans le dépassement de la durée contractuelle des travaux ; que pour réclamer néanmoins les pénalités de retard à l'entreprise, le territoire ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de celle-ci, du caractère imprévisible des évènements qui seraient à l'origine du retard mis par l'administration à réaliser la plate-forme ; qu'il résulte de l'instruction que la société en nom collectif Dumez et compagnie avait, à la réception de l'ordre de service n° 8 du 27 mai 1994 lui ordonnant de reprendre les travaux, fait toutes réserves sur d'éventuelles réclamations au titre du préjudice subi du fait du retard pris dans l'exécution du marché ; que l'absence de clause contractuelle prévoyant un délai de livraison de la plate-forme et l'application de pénalités en cas de dépassement de ce délai ne prive pas l'entreprise des droits qu'elle peut faire valoir à une indemnité en réparation du préjudice que lui a fait subir le dépassement des délais d'exécution du marché dû à un fait de l'administration ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le retard pris par les travaux aurait été aggravé en raison des fautes que le territoire attribue à l'entreprise ; qu'il résulte de ce qui précède que le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le conseil du contentieux administratif a exonéré l'entreprise des pénalités de retard ;

Considérant que la société en nom collectif Dumez et compagnie a omis de demander qu'il fût procédé, en vue de la sauvegarde de ses droits, en application de l'article 12 du cahier des clauses administratives générales, à des constatations contradictoires relatives notamment à l'immobilisation de son matériel et de son personnel ; que, dans ces conditions, la société en nom collectif Dumez et compagnie ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait de l'immobilisation de son matériel et de son personnel ; qu'il en résulte que le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseil du contentieux administratif l'a condamné à verser à la société en nom collectif Dumez et compagnie la somme de cinq millions de francs CFP au titre de ce chef de préjudice ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme que le conseil du contentieux administratif a condamné le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA à verser à la société en nom collectif Dumez et compagnie doit être ramenée de 8 434 103 francs CFP à 3 434 103 francs CFP ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la société en nom collectif Dumez et compagnie et la société anonyme Dumez à payer au TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme de 8 434 103 francs CFP que le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA a été condamné à verser à la société en nom collectif Dumez et compagnie par le jugement du 19 novembre 1998 du conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna est ramenée à 3 434 103 francs CFP.
Article 2 : Le jugement du 19 novembre 1998 du conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA est rejeté.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de la société en nom collectif Dumez et compagnie devant le conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, à la société en nom collectif Dumez et compagnie et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 7 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 203674;204132
Date de la décision : 28/05/2001
Sens de l'arrêt : Réformation réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02,RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - CONDITIONS D'EXECUTION DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS EN L'ABSENCE D'ALEAS - MARCHES -Cession de marché - Nécessité d'une décision formalisée - Absence (1).

39-03-01-02 Après l'absorption d'une société titulaire d'un marché public par une deuxième société et la création concomitante d'une troisième société, les travaux prévus par le contrat ont été exécutés par cette dernière société avec l'accord du maître d'ouvrage qui lui a adressé des ordres de service. Dans ces circonstances et eu égard aux liens entre ces diverses sociétés, la société ayant exécuté les travaux doit être regardée comme ayant bénéficié d'une cession de marché.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Rappr. Avis, Section des finances, 2000-06-08, AJDA 2000, p. 758


Publications
Proposition de citation : CE, 28 mai. 2001, n° 203674;204132
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Peylet
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:203674.20010528
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