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30/05/2001 | FRANCE | N°205493

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 30 mai 2001, 205493


Vu la requête, enregistrée le 10 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 1998 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 5 août 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Naïma A... ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par Mme A... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dos

sier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des...

Vu la requête, enregistrée le 10 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 1998 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 5 août 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Naïma A... ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par Mme A... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 24 août 1993 et la loi du 11 mai 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sanson, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance de Mme A... :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A..., de nationalité marocaine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 3 avril 1998, de la décision du PREFET DE POLICE en date du 1er avril 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que si Mme A... fait valoir qu'elle est entrée en France en 1989 pour rejoindre sa mère et sa soeur titulaires de cartes de résident et qu'elle n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine depuis son divorce, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 5 août 1998 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'atteinte portée au droit au respect de la vie familiale de Mme A... pour annuler l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 5 août 1998 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant devant le tribunal administratif de Paris que devant le Conseil d'Etat ;
Considérant que M. Jean-Pierre X... bénéficiait, par un arrêté du PREFET DE POLICE en date du 22 juin 1998, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 3 juillet 1998, d'une délégation à l'effet de signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière en cas d'empêchement de M. Y..., directeur de la police générale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. Y... n'était pas absent ou empêché à la date de l'arrêté attaqué ;

Considérant que l'arrêté attaqué qui énonce les dispositions applicables et les éléments de fait qui justifient la mesure prise à l'encontre de Mme A... est suffisamment motivé ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE POLICE ait entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mme A... ;
Considérant que, si à l'appui de sa demande, Mme A... excipe de l'illégalité de la décision en date du 1er avril 1998 lui refusant un titre de séjour et de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 25 mai 1998 contre la décision du 1er avril 1998, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ces décisions ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de Mme A... ; qu'elles ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et que, par suite, elles ne méconnaissent pas les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit ... 3° A l'étranger, ne vivant pas en France en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ..." ;
Considérant que si Mme A... fait valoir qu'elle peut se prévaloir, à l'heure actuelle, de dix années de présence habituelle en France, cette circonstance, qui est de nature, eu égard aux dispositions précitées du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, à faire obstacle à l'exécution de la mesure de reconduite à la frontière, est sans influence sur la légalité de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique formé le 25 mai 1998 contre la décision du PREFET DE POLICE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ladite décision en ce qu'elle méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 5 août 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A... ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui rejette la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre par le PREFET DE POLICE, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que le juge administratif ordonne à l'administration de délivrer à Mme A... un titre de séjour doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de Mme A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Z... Sayed la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 23 octobre 1998 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Naïma A... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 205493
Date de la décision : 30/05/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 22 juin 1998
Arrêté du 05 août 1998
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2650 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2001, n° 205493
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sanson
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:205493.20010530
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