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15/06/2001 | FRANCE | N°207506

France | France, Conseil d'État, 7 / 5 ssr, 15 juin 2001, 207506


Vu l'ordonnance en date du 28 avril 1999, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 mai 1999, par laquelle le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur, la demande présentée à ce tribunal pour M. Stéphane X..., demeurant ... ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, le 22 avril 1999, présentée pour M. Stéphane LUCIEN-BRUN et tendant à l'annulati

on : 1°) du titre de perception exécutoire n° 258, d'un montan...

Vu l'ordonnance en date du 28 avril 1999, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 mai 1999, par laquelle le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur, la demande présentée à ce tribunal pour M. Stéphane X..., demeurant ... ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, le 22 avril 1999, présentée pour M. Stéphane LUCIEN-BRUN et tendant à l'annulation : 1°) du titre de perception exécutoire n° 258, d'un montant de 17 619,00 F, émis à son encontre par la direction du commissariat de la marine à Paris, le 22 octobre 1998 ; 2°) de la décision du 30 mars 1999 par laquelle le directeur du commissariat de la marine à Paris a rejeté sa demande d'opposition à exécution formée le 30 décembre 1998 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 ;
Vu le décret n° 70-1097 du 23 novembre 1970 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Rapone, Maître des Requêtes,
- les observations Me Y..., avocat M. LUCIEN-BRUN,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense :
Considérant que si le ministre de la défense soutient que la requête est irrecevable, faute d'avoir été présentée par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, un tel moyen manque en fait et ne peut donc qu'être écarté ;
Sur les conclusions de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 : "Jusqu'au 31 décembre 1988, les officiers et assimilés en activité de service pourront ... être placés, après un stage probatoire de deux mois, en position de service détaché pour occuper provisoirement des emplois restés vacants correspondant à leurs qualifications. Après une année de service dans leur nouvel emploi, ces personnels pourront, sur leur demande, être intégrés dans le corps des fonctionnaires titulaires dont relève l'emploi considéré ... ils seront dans ce cas rayés des cadres de l'armée active" ; qu'aux termes de l'article 7 du décret n° 70-1097 du 23 novembre 1970 modifié portant application de ces dispositions législatives : "Les intéressés perçoivent, pendant la période passée en service détaché : a) de l'administration d'accueil : un traitement de base correspondant à l'indice qu'ils détiennent dans l'armée ; les indemnités de résidence et à caractère familial calculées d'après les règles applicables aux fonctionnaires en service dans la même localité, y compris la prime de transport pour la région parisienne ; le cas échéant, les primes et indemnités spécifiques attachées à l'emploi tenu. b) du ministère chargé de la défense nationale : l'indemnité pour charges militaires ; le cas échéant, la prime de qualification lorsqu'elle était perçue par l'intéressé dans les cadres" ; qu'aux termes de l'article 8 du même décret : "Les demandes d'intégration dans un corps de fonctionnaires émanant des officiers ou assimilés placés en service détaché en vertu de l'article 6 du présent décret peuvent être présentées après douze mois passés dans cette position. Elles sont transmises à la commission d'orientation qui ... émet un avis : soit pour l'intégration immédiate qui prend effet à l'expiration de la période de service détaché ...; L'officier qui a présenté une demande d'intégration dans les délais fixés ... est maintenu en position de détachement jusqu'à l'intervention de la décision qui doit être prise sur sa demande ... L'officier intégré est rayé des cadres de l'armée à la date de l'intégration" ;

Considérant que, pour émettre à l'encontre de M. LUCIEN-BRUN, officier, un titre de perception en recouvrement d'un trop perçu sur rémunération d'un montant de 17 619 F correspondant au versement de l'indemnité pour charges militaires et de la prime de qualification pour les mois d'octobre à décembre 1997, le directeur du commissariat de la marine à Paris s'est fondé sur ce que l'intéressé, admis au bénéfice des dispositions de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970, avait été nommé et titularisé à compter du 1er octobre 1997 dans le corps des conseillers de chambre régionale des comptes, par décret en date du 27 janvier 1998 ; que M. LUCIEN-BRUN, à l'appui des conclusions de sa requête dirigées contre le titre de perception, invoque l'illégalité du décret du 27 janvier 1998, dont il avait demandé, dans le délai du recours contentieux, l'annulation par une requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; que la recevabilité d'un moyen s'apprécie à la date à laquelle il est soulevé devant le juge de l'excès de pouvoir et non à la date à laquelle ce dernier statue sur son bien-fondé ; que l'exception d'illégalité soulevée par M. LUCIEN-BRUN dès l'introduction du présent pourvoi le 22 avril 1999, alors que la requête contre sa nomination et sa titularisation en qualité de conseiller de chambre régionale des comptes était encore pendante devant le Conseil d'Etat, reste recevable après l'intervention le 25 novembre 1999 d'une ordonnance de désistement clôturant l'instance relative à cette requête ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. LUCIEN-BRUN, commissaire principal de la marine, a été, après l'accomplissement de son stage probatoire auprès de la chambre régionale des comptes d'Auvergne, mis en position de détachement à compter du 1er octobre 1996 pour une période d'une année afin d'occuper un emploi de conseiller de chambre régionale des comptes de 2ème classe et a perçu pendant la durée de ce détachement l'indemnité pour charges militaires et la prime de qualification ; que cette indemnité et cette prime lui ont été versées jusqu'au 31 décembre 1997 ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 8 du décret du 23 novembre 1970 que l'officier reste en position de détachement, et continue donc à bénéficier des primes et indemnités prévues au b) de l'article 7 dudit décret, jusqu'à ce qu'intervienne la décision l'intégrant dans son nouveau corps ; qu'ainsi, le requérant est fondé à soutenir que l'autorité administrative ne pouvait légalement donner un effet rétroactif à son intégration dans le corps des conseillers de chambre régionale des comptes en prévoyant par le décret du 27 janvier 1998 qu'il serait nommé et titularisé dans ce corps à compter du 1er octobre 1997 ; qu'il suit de là que l'autorité militaire a entaché d'illégalité le titre de perception qu'elle a, sur le fondement de cette disposition rétroactive illégale, délivré à l'encontre de M. LUCIEN-BRUN pour obtenir le remboursement de l'indemnité pour charges militaires et de la prime de qualification qui lui avaient été versées d'octobre à décembre 1997 pour un total de 17 619 F ; que, dès lors, le requérant est fondé à demander l'annulation de ce titre de perception et, par voie de conséquence, de la décision du 30 mars 1999 par laquelle l'administration a rejeté sa réclamation à l'encontre dudit titre ;
Article 1er : Le titre de perception exécutoire n° 258, d'un montant de 17 619 F, émis à l'encontre de M. LUCIEN-BRUN par la direction du commissariat de la marine à Paris le 22 octobre 1998 et la décision du 30 mars 1999 par laquelle le directeur du commissariat de la marine à Paris a rejeté sa demande d'opposition à l'exécution dudit titre sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Stéphane LUCIEN-BRUN et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 207506
Date de la décision : 15/06/2001
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ARMEES - PERSONNELS DES ARMEES - QUESTIONS PARTICULIERES A CERTAINS PERSONNELS MILITAIRES - OFFICIERS D'ACTIVE ET OFFICIERS GENERAUX - Accès des militaires à des emplois civils (loi n° 70-2 du 2 janvier 1970) - Intégration des officiers et assimilés en activité de service dans des corps de fonctionnaires titulaires - Maintien des intéressés en position de détachement jusqu'à l'intervention de la décision d'intégration (art - 8 du décret n° 70-1097 du 23 novembre 1970 modifié) - Conséquence - Impossibilité de donner une portée rétroactive à cette décision et de demander le remboursement des primes et indemnités du ministère de la défense perçues pendant la période couverte par la rétroactivité.

08-01-02-01, 36-04 Il résulte des dispositions de l'article 8 du décret du 23 novembre 1970 portant application de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 tendant à faciliter l'accès des militaires à des emplois civils que l'officier reste en position de détachement, et continue donc à bénéficier des primes et indemnités prévues au b) de l'article 7 dudit décret, jusqu'à ce qu'intervienne la décision l'intégrant dans son nouveau corps. L'autorité administrative ne peut par suite légalement donner un effet rétroactif à cette intégration et fonder sur cette décision rétroactive illégale un titre de perception en vue d'obtenir le remboursement de primes et indemnités perçues par le militaire au cours de la période couverte par la rétroactivité.

- RJ1 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CHANGEMENT DE CADRES - RECLASSEMENTS - INTEGRATIONS - Accès des militaires à des emplois civils (loi n° 70-2 du 2 janvier 1970) - Intégration des officiers et assimilés en activité de service dans des corps de fonctionnaires titulaires - Maintien des intéressés en position de détachement jusqu'à l'intervention de la décision d'intégration (art - 8 du décret n° 70-1097 du 23 novembre 1970 modifié) - Conséquence - Impossibilité de donner une portée rétroactive à cette décision et de demander le remboursement des primes et indemnités du ministère de la défense perçues pendant la période couverte par la rétroactivité.

54-07-01-04-04 Militaire nommé par décret, en application des dispositions de l'article 3 de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970, conseiller de Chambre régionale des comptes. Recours pour excès de pouvoir formé par l'intéressé contre un titre de perception en recouvrement d'un trop perçu sur la rémunération qui lui a été versée au titre de son ancien emploi. Moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du décret de nomination. La recevabilité d'un tel moyen s'apprécie à la date à laquelle il est soulevé devant le juge de l'excès de pouvoir et non à la date à laquelle ce dernier statue sur son bien fondé. L'exception d'illégalité soulevée par le requérant dès l'introduction de son pourvoi dirigé contre le titre de perception, alors que sa requête dirigée contre sa nomination et sa titularisation en qualité de conseiller de chambre régionale des comptes était encore pendante devant le Conseil d'Etat, reste recevable après l'intervention d'une ordonnance de désistement clôturant l'instance relative à cette requête.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - MOYENS - EXCEPTION D'ILLEGALITE - Date à laquelle s'apprécie la recevabilité du moyen - Date à laquelle il est soulevé - Exception d'illégalité d'un décret non réglementaire faisant l'objet d'un recours contentieux à la date à laquelle le moyen est soulevé - Circonstance qu'à la date à laquelle le juge statue - le décret est devenu définitif - Absence d'incidence sur la recevabilité du moyen.


Références :

Décret du 27 janvier 1998
Décret 70-1097 du 23 novembre 1970 art. 7, art. 8
Loi 70-2 du 02 janvier 1970 art. 3

1. Comp. CE, 1992-04-22, Kihl, T. p. 750 ;

Cf. CE, 1996-06-17, Gauthier, n° 133581


Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2001, n° 207506
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Rapone
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:207506.20010615
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