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22/06/2001 | FRANCE | N°219995

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 22 juin 2001, 219995


Vu la requête, enregistrée le 13 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000, dont le siège social est à Bouchemaine (49080), représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000 demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 juillet 1999 par laquelle le ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire a fait parvenir à la Commission européenne les propositions françaises de s

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Vu la requête, enregistrée le 13 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000, dont le siège social est à Bouchemaine (49080), représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000 demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 juillet 1999 par laquelle le ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire a fait parvenir à la Commission européenne les propositions françaises de sites susceptibles d'être reconnus d'importance communautaire au titre de la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n° 2081/93 du 20 juillet 1993 ;
Vu la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 ;
Vu la loi n° 95-101 du 2 février 1995 ;
Vu le décret n° 95-631 du 5 mai 1995 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Legras, Auditeur,
- les observations de Me Odent, avocat de l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence directe du Conseil d'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : "Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : ( ...) 5° Des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif" ;
Considérant que, par la décision attaquée du 15 juillet 1999, le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a proposé à la Commission européenne une liste de sites destinés à faire partie du réseau européen "Natura 2000" institué par la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ; que ces sites sont répartis sur l'ensemble du territoire français ; que, dans ces conditions, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître directement de la décision attaquée par l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000 ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement :
Considérant que l'article 4 de la directive du 21 mai 1992 dispose que : "1. ( ...) Chaque Etat membre propose une liste de sites indiquant les types d'habitats naturels de l'annexe I et les espèces indigènes de l'annexe II qu'ils abritent ( ...) /La liste est transmise à la Commission, dans les trois ans suivant la notification de la présente directive, en même temps que les informations relatives à chaque site ( ...) 2. ( ...) La liste des sites sélectionnés comme d'importance communautaire, faisant apparaître un ou plusieurs types d'habitats naturels prioritaires ou plusieurs espèces prioritaires, est arrêtée par la Commission selon la procédure visée à l'article 21 ( ...) 4. Une fois qu'un site d'importance communautaire a été retenu en vertu de la procédure prévue au paragraphe 2, l'Etat membre concerné désigne ce site comme zone spéciale de conservation le plus vite possible et dans un délai maximal de six ans ( ...)" ;
Considérant que bien qu'elle n'emporte pas par elle-même leur désignation comme zone spéciale de conservation, la transmission par le gouvernement à la Commission européenne d'une liste de sites susceptibles de faire partie du réseau "Natura 2000" a le caractère d'une décision faisant grief, dès lors qu'il résulte des dispositions précitées que c'est à partir de la liste des sites ainsi transmis que la Commission décide ceux d'entre eux qui seront finalement retenus ; que, par suite, l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000 est recevable à déférer cette décision au juge de l'excès de pouvoir ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sur l'exception d'illégalité du décret du 5 mai 1995 relatif à la conservation des habitats naturels et des habitats d'espèces sauvages d'intérêt communautaire :

Considérant, en premier lieu, que ce décret, qui organise la phase interne d'élaboration de la liste des sites susceptibles d'être reconnus d'importance communautaire, se borne à fixer les règles relatives à l'identification de ces sites et à leur transmission à la Commission européenne, sans imposer de sujétions aux propriétaires de terrains qui se trouveraient compris dans leur périmètre ; qu'il n'emporte ainsi par lui-même aucune atteinte au droit de propriété ; qu'il suit de là que le moyen tiré par l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000 de ce qu'il méconnaîtrait l'article 34 de la Constitution au motif qu'il porterait atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété et serait ainsi intervenu dans le domaine de la loi, ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il découle de ce qui précède que le décret du 5 mai 1995 ne méconnaît pas non plus les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatives au droit de propriété ;
Considérant, en dernier lieu, que l'association requérante ne peut utilement soutenir que le décret du 5 mai 1995 méconnaît le "principe de partenariat" mentionné par l'article 4 du règlement n° 2081/93/CEE du Conseil du 20 juillet 1993, qui n'a vocation à régir que les modalités d'attribution des cofinancements communautaires en matière d'actions structurelles ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu à renvoi d'une question préjudicielle devant la Cour de justice des Communautés européennes, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement du 20 juillet 1993 ne peut qu'être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité soulevée par la requérante doit être rejetée ;
Sur les autres moyens :
Considérant que le décret du 5 mai 1995 relatif à la conservation des habitats naturels et des habitats d'espèces sauvages d'intérêt communautaire fixe la procédure selon laquelle doit être établie une liste nationale de sites susceptibles d'être inscrits dans le réseau européen "Natura 2000", en application de la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 ; que cette procédure comporte un inventaire scientifique, des consultations au niveau régional et départemental d'une durée de quatre mois, puis, compte tenu de ces avis, l'établissement par le ministre de l'environnement d'un projet de liste après consultation des ministres chargés de l'agriculture, de l'industrie et de l'équipement, ceux-ci étant appelés à faire connaître leur avis dans un délai d'un mois ;

Considérant que, par une circulaire du 11 août 1997, le ministre de l'environnement a demandé aux préfets d'engager, à partir du 1er septembre 1997, les consultations prévues par le décret du 5 mai 1995 ; que, par une décision du 27 septembre 1999, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé certaines dispositions de cette circulaire au motif qu'elles instituaient une procédure de sélection des sites qui ne respectait pas les délais impartis aux consultations locale et interministérielle par le décret du 5 mai 1995 ; qu'il a annulé, par la même décision, les décisions du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement des 16 octobre, 3 et 9 décembre 1997 transmettant à la Commission européenne les premières propositions de sites au titre du réseau Natura 2000 au motif qu'elles avaient été élaborées suivant les dispositions de la circulaire du 11 août 1997 non conformes au décret du 5 mai 1995 ; que, parmi les propositions de sites rassemblées par la décision attaquée du 15 juillet 1999, 534 avaient déjà été transmises à la Commission européenne par les trois décisions annulées ; que le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ne produit aucun élément permettant d'établir que ces 534 sites ont fait l'objet d'une nouvelle procédure de consultation conforme aux dispositions du décret du 5 mai 1995 ; que, dans ces conditions, l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000 est fondée à soutenir que la décision attaquée du 15 juillet 1999 méconnaît les dispositions de ce décret en tant qu'elle transmet à la Commission européenne ces 534 propositions de sites ; qu'il n'est, en revanche, pas soutenu que les autres propositions de sites transmises par la décision attaquée n'aient pas fait l'objet des consultations prévues par le décret du 5 mai 1995 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000 n'est fondée à demander l'annulation de la décision du 15 juillet 1999 qu'elle attaque qu'en tant qu'elle transmet à la Commission européenne 534 propositions de sites qui avaient déjà fait l'objet des transmissions des 16 octobre, 3 et 9 décembre 1997 ;
Article 1er : La décision du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement du 15 juillet 1999 est annulée en tant qu'elle transmet à la Commission européenne 534 propositions de sites qui lui avaient déjà été adressées par les décisions des 16 octobre, 3 et 9 décembre 1997.
Article 2 : Le surplus des conclusions de l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000 est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION COORDINATION NATIONALE NATURA 2000 et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 219995
Date de la décision : 22/06/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - PROCEDURE CONSULTATIVE - CONSULTATION OBLIGATOIRE.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - EDUCATION ET CULTURE.

COMPETENCE - COMPETENCE A L'INTERIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPETENCE DU CONSEIL D'ETAT EN PREMIER ET DERNIER RESSORT - ACTES ADMINISTRATIFS DONT LE CHAMP D'APPLICATION S'ETEND AU-DELA DU RESSORT D'UN SEUL TRIBUNAL ADMINISTRATIF.

MONUMENTS ET SITES - MONUMENTS NATURELS ET SITES.


Références :

CEE directive 92-43 du 21 mai 1992 Conseil art. 4
Circulaire du 11 août 1997 environnement
Code de justice administrative R311-1
Constitution du 04 octobre 1958 art. 34
Décret 95-631 du 05 mai 1995


Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2001, n° 219995
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Legras
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:219995.20010622
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