Vu la requête, enregistrée le 14 août 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 30 juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Abderrahim X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 241-13 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur : "Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou son délégué, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations" ;
Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que, pour faire droit à la demande présentée par M. X..., le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est référé à des "témoignages oraux produits à l'audience" ; que si ces témoignages invoqués à la barre n'ont pas fait l'objet d'une communication au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ou à son représentant, cette circonstance n'a pas constitué une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement attaqué dès lors qu'il est constant que le préfet, bien que convoqué à l'audience, ne s'y est pas fait représenter ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 : "La conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un titre de séjour" ; que les dispositions de l'ordonnance n° 45-2658 auxquelles il est ainsi fait référence prévoient que, sauf si la présence du demandeur constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit à l'étranger "dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 15 novembre 1999, qu'à elle seule la conclusion d'un pacte civil de solidarité par un ressortissant étranger soit avec un ressortissant français soit avec tout ressortissant étranger en situation régulière, n'emporte pas délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire ; que la conclusion d'un tel contrat constitue cependant pour l'autorité administrative un élément de la situation personnelle de l'intéressé, dont elle doit tenir compte, pour apprécier si un refus de délivrance de la carte de séjour sollicitée par le demandeur, compte tenu de l'ancienneté de la vie commune avec son partenaire, n'entraînerait pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée ; que si tel est le cas, l'autorité préfectorale ne saurait légalement prendre à son encontre un arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité marocaine, qui a conservé dans son pays d'origine ses liens familiaux, est entré en France le 7 novembre 1997 sous couvert d'un visa de tourisme d'une durée de trente jours ; qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français ; qu'à la date du 28 décembre 1999, il a tout à la fois conclu un pacte civil de solidarité avec le ressortissant français qu'il avait rejoint et présenté une demande de titre de séjour, laquelle a été rejetée par une décision du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE du 21 février 2000 ; qu'après avoir constaté que M. X... s'était maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification qui lui a été faite le 8 mars 2000, du refus d'une carte de séjour, le préfet a ordonné le 30 juin 2000 sa reconduite à la frontière par application des dispositions du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'eu égard à la circonstance que M. X... ne justifie pas d'une relation d'une stabilité suffisante avec la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité et compte tenu des effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté préfectoral du 30 juin 2000 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est dès lors à tort que, pour en prononcer l'annulation, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ce qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent à tout individu le droit au respect de sa vie privée sous réserve des limitations rendues nécessaires dans une société démocratique par les impératifs énoncés au paragraphe 2 de cet article ;
Sur l'effet dévolutif de l'appel :
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Considérant que l'arrêté du 30 juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... excipe de l'illégalité de la décision du 21 février 2000 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il s'est pourvu dans le délai du recours contentieux contre cette dernière décision qui n'était ainsi pas devenue définitive à la date à laquelle il a saisi le tribunal administratif ; que, dès lors, l'exception d'illégalité est recevable ; que toutefois, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que le refus de séjour opposé à l'intéressé ne méconnaît pas les dispositions de l'article 12 bis (7°) de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives aux conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ;
Considérant que si l'intéressé invoque les risques que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine, ce moyen, qui n'est d'ailleurs assorti d'aucune précision, est inopérant à l'encontre de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, qui n'indique pas le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à demander l'annulation du jugement du 10 juillet 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 30 juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : Le jugement du 10 juillet 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Toulouse par M. X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, à M. Abderrahim X... et au ministre de l'intérieur.