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29/06/2001 | FRANCE | N°229126

France | France, Conseil d'État, 29 juin 2001, 229126


Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Sisouphanh X..., élisant domicile à l'Association de soutien aux moines bouddhistes Lao, ... ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 12 décembre 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2000 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière

;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et la décision fixant le...

Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Sisouphanh X..., élisant domicile à l'Association de soutien aux moines bouddhistes Lao, ... ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 12 décembre 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2000 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et la décision fixant le pays de destination de la reconduite ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité laotienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 1er août 2000, de la décision du préfet du Val-d'Oise du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champs d'application de la disposition précitée ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Sur l'exception d'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, M. X... invoque l'illégalité de la décision du 18 juillet 2000 du ministre de l'intérieur lui refusant le bénéfice de l'asile territorial, il doit être regardé comme excipant également de l'illégalité de la décision préfectorale lui refusant un titre de séjour fondée notamment sur le refus d'asile territorial ;
Considérant que si M. X... soutient qu'en tant que moine bouddhiste, il est menacé par les autorités de son pays d'origine qui interdisent toutes pratiques religieuses, il ne ressort pas des pièces du dossier, que le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant à l'intéressé l'asile territorial qui n'invoque que des considérations d'ordre général et n'apporte aucun élément relatif aux risques qu'il courrait personnellement ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal en raison de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur refusant de lui accorder l'asile territorial ;
Sur les autres moyens :
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : "( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ( ...)" ;
Considérant que si M. X... fait valoir qu'il réside de façon continuelle en France depuis le 10 septembre 1995, il ne justifie pas au 5 décembre 2000, date de l'arrêté de reconduite à la frontière, d'un séjour habituel de plus de dix ans en France ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;
Considérant que si M. X..., célibataire, sans charge de famille, fait valoir que son frère, de nationalité française, vit en France et qu'il y a des attaches confessionnelles importantes, il ressort des pièces du dossier que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions et de la durée du séjour en France de M. X... qui n'établit ni même n'allègue être dépourvu de famille au Laos, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 5 décembre 2000 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de la reconduite :
Considérant que ni l'arrêté attaqué, ni l'acte de notification de celui-ci n'indiquent le pays vers lequel M. X... sera reconduit ; que c'est seulement le 14 décembre 2000, soit postérieurement au jugement dont il est fait appel, que le préfet du Val d'Oise a pris une décision fixant le Laos comme pays de reconduite ; que, par suite, le moyen tiré des dangers que courrait le requérant en cas de retour dans son pays d'origine est, en tout état de cause, inopérant à l'encontre de l'arrêté du 5 décembre 2000 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :
Considérant qu'en dehors du cas prévu par l'article L. 911-1 du code de justice administrative dont les conditions d'application ne sont pas remplies en l'espèce, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; qu'ainsi les conclusions de M. X... tendant à la régularisation de sa situation administrative ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Sisouphanh X..., au préfet du Val-d'Oise et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 229126
Date de la décision : 29/06/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 18 juillet 2000
Arrêté du 05 décembre 2000
Code de justice administrative L911-1, L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 25, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2001, n° 229126
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Courtial

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:229126.20010629
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