Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 avril 1999 et le 14 février 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jinsong Y..., élisant domicile à Entraide et Partage, ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision en date du 18 février 1999 par laquelle la commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 27 octobre 1998 par laquelle le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au statut de réfugié ;
2°) renvoie l'affaire devant la commission des recours des réfugiés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu le décret n° 53-377 du 2 mai 1953 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dayan, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me X..., avocat M. Y...,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour demander l'annulation de la décision par laquelle la commission des recours des réfugiés a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié, M. Y..., de nationalité chinoise, soutient que cette décision a été rendue sur une procédure irrégulière, et invoque à cet effet la circonstance qu'il n'a pu bénéficier de l'aide juridictionnelle en application de l'article 3 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, dont il estime qu'il est incompatible avec divers articles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que la procédure au terme de laquelle il est statué sur la demande d'aide juridictionnelle en vue de soumettre un litige à une juridiction est distincte de la procédure suivie devant cette juridiction et obéit à des règles qui lui sont propres ; que par suite les moyens tirés, contre la décision de cette juridiction, de ce que la décision ayant rejeté la demande d'aide juridictionnelle serait irrégulière, notamment parce qu'elle serait intervenue au vu de textes qui seraient incompatibles avec des engagements internationaux de la France, sont inopérants ;
Considérant que si M. Y... a demandé par lettre du 20 janvier 1999, reçue par la commission le 25 janvier, le report de l'audience du 28 janvier 1999, la commission des recours des réfugiés n'était pas tenue d'accéder à sa demande dès lors que l'affaire était en état et nonobstant la circonstance que M. Y... estimait disposer de délais insuffisants pour obtenir des éléments de preuve ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la commission aurait statué à la suite d'une procédure irrégulière doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans les cas d'urgence ( ...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ( ...) d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président" ; que, selon l'article 63 du décret du 19 décembre 1999 : "La décision sur l'admission provisoire est immédiatement notifiée à l'intéressé, selon le cas, par le secrétaire du bureau de la section ou par le secrétaire ou le greffier de la juridiction. Lorsque l'intéressé est présent, la décision peut être notifiée verbalement contre émargement au dossier ( ...)" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... a contesté, par un recours enregistré à la commission des recours des réfugiés, le 1er décembre 1998, la décision du 27 octobre 1998 par laquelle l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande du titre de réfugié ; que la commission lui a adressé le 4 janvier 1998 un avis d'audience pour le 28 janvier 1998 ; que M. Y... a présenté par lettre du 20 janvier, reçue le 25 janvier 1998 une demande d'aide juridictionnelle ; qu'il ne s'est pas présenté à l'audience du 28 janvier ; que lors de cette audience, la commission usant du pouvoir que lui attribue l'article 20 précité de la loi du 10 juillet 1991, a statué sur la demande d'aide juridictionnelle qu'elle a rejetée comme non recevable, puis se prononçant au fond a rejeté le recours de M. Y... ;
Considérant que la commission des recours des réfugiés ne peut en principe régulièrement statuer sur un recours formé par une personne qui a demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par l'article 41 du décret du 19 décembre 1991 que si le demandeur a reçu notification de la décision prise sur cette demande ;
Mais considérant qu'en demandant l'aide juridictionnelle trois jours avant l'audience à laquelle il était convoqué, alors qu'il avait été informé dès le 4 décembre 1998, par un document annexé au récépissé de son recours, de son droit de solliciter le bénéfice de cette aide et de ce que, s'il présentait une telle demande moins d'un mois avant la date de l'audience il y serait statué selon la procédure de l'admission provisoire, la décision lui étant alors notifiée "au plus tard le jour de la séance", et en s'abstenant sans justification sérieuse d'être présent à l'audience après avoir demandé le renvoi de celle-ci sans davantage de justification, M. Y... a délibérément tenté de placer la commission dans l'impossibilité de statuer ; qu'en présence de cette manoeuvre purement dilatoire, la commission a pu régulièrement statuer sans avoir notifié au préalable à l'intéressé le rejet de sa demande d'aide juridictionnelle ;
Considérant que l'alinéa 2 de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 qui prévoit une interruption des délais lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée ne trouve en tout état de cause son application que lorsqu'une telle demande précède l'introduction du recours ;
Considérant que la commission ne statuant pas sur des contestations à caractère civil ni en matière pénale, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ; que l'article 14 de la même convention ne saurait, par suite, être invoqué ;
Considérant, enfin, que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 1er de la convention de Genève, de l'existence d'une erreur de droit, d'une insuffisance de motifs, d'inexactitude matérielle et de dénaturation des pièces du dossier ne sont assorties d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que dès lors, ils doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jinsong Y..., à l'office français de protection des réfugiés et apatrides et au ministre des affaires étrangères.