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11/07/2001 | FRANCE | N°199328;199369

France | France, Conseil d'État, 2 / 1 ssr, 11 juillet 2001, 199328 et 199369


Vu 1°/, sous le n° 199328, le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT, enregistré le 7 septembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 juin 1998 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant, d'une part, qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 19 juin 1997 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 2 septembre 1996 du préfet des Alpes-Maritimes autorisant, sur le fondement

de la loi du 3 janvier 1992, les travaux et ouvrages néce...

Vu 1°/, sous le n° 199328, le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT, enregistré le 7 septembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 juin 1998 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant, d'une part, qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 19 juin 1997 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 2 septembre 1996 du préfet des Alpes-Maritimes autorisant, sur le fondement de la loi du 3 janvier 1992, les travaux et ouvrages nécessaires à la réalisation de la RN 20 entre Baus-Roux et Saint-Isidore et, en tant, d'autre part, qu'il a décidé que le préfet des Alpes-Maritimes, s'il reprend la procédure, devra imposer des prescriptions supplémentaires propres à assurer la sécurité publique et le respect de l'environnement ;
Vu 2°/, sous le n° 199369, la requête, enregistrée le 8 septembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la CHAMBRE D'AGRICULTURE DES ALPES-MARITIMES, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES, le CENTRE DEPARTEMENTAL DES JEUNES AGRICULTEURS DES ALPES-MARITIMES, l'ASSOCIATION DEFENSE DE LA RN 202 BIS, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA COOPERATION AGRICOLE DES ALPES-MARITIMES, la COMMUNE DE GATTIERES, M. Dominique Y... et M. Jean-Pierre C... ; ils demandent au Conseil d'Etat, d'une part, d'annuler l'arrêt du 30 juin 1998 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que cet arrêt annule les articles 3 à 10 du jugement du 19 juin 1997 du tribunal administratif de Nice prescrivant une expertise contradictoire supplémentaire préalablement à la délivrance, par le préfet des Alpes-Maritimes, d'une autorisation sur le fondement de la loi du 3 janvier 1992 pour les travaux et ouvrages nécessaires à la réalisation de la RN 202 entre Baus-Roux et Saint-Isidore, d'autre part, de condamner l'Etat à leur verser une somme de 50 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 ;
Vu le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Verot, Auditeur,
- les observations de Me Ricard, avocat de la CHAMBRE D'AGRICULTURE DES ALPES-MARITIMES, de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES, du CENTRE DEPARTEMENTAL DES JEUNES AGRICULTEURS DES ALPES-MARITIMES, de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA RN 202 BIS, de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA COOPERATION AGRICOLE DES ALPES-MARITIMES, de la COMMUNE DE GATTIERES, de M. Y... et de M. C...,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes enregistrées sous les n° 199328 et 199369 sont dirigées contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette les conclusions du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT dirigées contre l'article 1er du jugement du 19 juin 1997 du tribunal administratif de Nice :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 29 mars 1993 relatif aux procédures d'autorisation et de déclaration prévues par l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau : "Le préfet coordonnateur de bassin soumet à l'avis de la mission déléguée de bassin les demandes d'autorisation concernant les opérations entrant dans la catégorie des ouvrages, installations, travaux ou activités dont les effets prévisibles sont suffisamment importants pour qu'ils nécessitent son intervention" ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 du décret du 27 février 1987 relatif à la coordination interministérielle et à l'organisation de l'administration dans le domaine de l'eau : "Dans chaque groupement de bassin créé par l'application de la loi du 16 décembre 1964 précitée, une mission déléguée de bassin est chargée de préparer les travaux de la mission interministérielle de l'eau en ce qui concerne les problèmes intéressant sa circonscription, de contribuer au niveau du bassin à la coordination, notamment entre les régions, des responsabilités de l'Etat, de rassembler, pour le compte des administrations centrales, les éléments permettant une planification nationale dans le domaine de l'eau, et de donner son avis sur les questions qui lui sont soumises" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'avis de la mission déléguée de bassin sur les demandes d'autorisation faites en application de la loi sur l'eau n'est imposé, à peine d'irrégularité de l'autorisation délivrée, que lorsque les effets prévisibles des installations, travaux ou ouvrages pour lesquels l'autorisation est sollicitée, sont suffisamment importants pour nécessiter une coordination interrégionale ou une information au niveau national des autorités chargées de la planification dans le domaine de l'eau ; qu'en se bornant à apprécier l'importance du projet et de ses effets, et en ne recherchant pas si ces effets rendaient nécessaire une telle coordination ou une telle information, pour justifier ainsi la saisine de la mission déléguée de bassin au regard des compétences détenues par celle-ci, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 30 décembre 1998 de la cour administrative d'appel de Marseille ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les travaux projetés sont susceptibles d'avoir des effets, en cas d'assèchement ou de pollution de l'aquifère situé sous le lit du Var, sur l'alimentation en eau potable de l'agglomération de Nice et, par voie de conséquence, de nécessiter des prélèvements en eau en dehors du bassin du Var lui-même ; qu'en raison de ces effets, qui rendaient nécessaire une coordination et une planification de la ressource en eau au niveau interrégional, la consultation de la mission déléguée de bassin était exigée à peine d'irrégularité de l'autorisation délivrée ; qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 2 septembre 1996 du préfet des Alpes-Maritimes ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué en tant qu'il enjoint au préfet des Alpes-Maritimes, s'il reprend la procédure, de respecter des prescriptions propres à assurer le respect de l'environnement et de la sécurité publique :
Sur le moyen présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau : "Les dispositions de la présente loi ont pour objet une gestion équilibrée de la ressource en eau./ Cette gestion équilibrée vise à assurer : - La préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ( ...) ; - La protection contre toute pollution et la restauration de la qualité des eaux superficielles et souterraines et des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; - Le développement et la protection de la ressource en eau ; - La valorisation de l'eau comme ressource économique et la répartition de cette ressource de manière à satisfaire ou à concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : - de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population ; - de la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; - de l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, des transports, du tourisme, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées" ; qu'aux termes du III de l'article 10 de la même loi : 'Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique ( ...) Les prescriptions nécessaires à la protection des principes mentionnés à l'article 2 de la présente loi, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par les actes complémentaires pris postérieurement à cette autorisation" ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l'acte d'autorisation doit comporter des prescriptions nécessaires à la protection, notamment, des écosystèmes et des sites, et de la sécurité publique ; qu'ainsi, en jugeant que le dossier de l'autorisation en cause ne comportait pas d'éléments suffisamment précis en ce qui concerne le débit des crues et leur fréquence, et en ce qui concerne les mesures compensatoires des effets des travaux sur le paysage et l'environnement, et en enjoignant au préfet des Alpes-Maritimes, s'il reprend la procédure d'autorisation, de fixer des prescriptions plus précises pour assurer la sécurité publique et la protection de l'environnement, la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ;
Sur le moyen présenté par la CHAMBRE D'AGRICULTURE DES ALPES-MARITIMES et d'autres requérants :
Considérant qu'en jugeant que la mesure d'expertise décidée par le tribunal administratif de Nice ne pouvait être regardée comme utile, la cour administrative d'appel de Marseille a procédé à une appréciation souveraine des pièces du dossier, qui n'est pas entachée de dénaturation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 juin 1998 en tant qu'il enjoint au préfet des Alpes-Maritimes, s'il reprend la procédure, de fixer certaines prescriptions supplémentaires ;
Sur les conclusions relatives au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans l'instance n° 199328, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à la CHAMBRE D'AGRICULTURE DES ALPES-MARITIMES la somme de 25 000 F qu'elle demande en remboursement des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ; qu'en revanche, les mêmes dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans l'instance n° 199369 la partie perdante, soit condamné à payer à la CHAMBRE D'AGRICULTURE DES ALPES-MARITIMES et autres la somme qu'ils demandent au titre des frais de même nature qu'ils ont exposés ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 juin 1998 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSORTS ET DU LOGEMENT tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 19 juin 1997.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 septembre 1996 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est rejeté.
Article 4 : L'Etat est condamné à verser à la CHAMBRE D'AGRICULTURE DES ALPES-MARITIMES la somme de 25 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La requête n° 199369 de la CHAMBRE D'AGRICULTURE DES ALPES-MARITIMES et autres est rejetée.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT, à la CHAMBRE D'AGRICULTURE DES ALPES-MARITIMES, à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES, au CENTRE DEPARTEMENTAL DES JEUNES AGRICULTEURS DES ALPES-MARITIMES, à l'ASSOCIATION DEFENSE DE LA RN 202 BIS, à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA COOPERATION AGRICOLE DES ALPES-MARITIMES, à la COMMUNE DE GATTIERES, à M. Dominique Y..., à M. Jean-Pierre C..., à l'Association "La Gaude environnement", à l'Association "La Gaude patrimoine", à l'Association Collectif associatif 06, à M. Séraphin D..., à M. André G..., à M. Adelmo I..., à M. Gilbert H..., à Mme Madeleine X..., à Mme Thérèse B..., à M. Jean-Pierre J..., à M. Laurent F..., à M. Robert A..., à M. Roger Z..., à M. Jean E..., à la commune du Broc, à la commune de Saint-Martin du Var et à la commune de Carros.


Synthèse
Formation : 2 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 199328;199369
Date de la décision : 11/07/2001
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

27-02-05 EAUX - OUVRAGES - MESURES PRISES POUR ASSURER LE LIBRE ECOULEMENT DES EAUX -Autorisation des installations, ouvrages et activités entraînant une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux (loi du 3 janvier 1992) - Saisine pour avis de la mission déléguée de bassin - Conditions - Importance du projet - Nécessité d'une coordination interrégionale ou d'une information au niveau national des autorités chargées de la planification dans le domaine de l'eau.

27-02-05 Aux termes de l'article 9 du décret du 29 mars 1993 relatif aux procédures d'autorisation et de déclaration prévues par l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau : "Le préfet coordonnateur de bassin soumet à l'avis de la mission déléguée de bassin les demandes d'autorisation concernant les opérations entrant dans la catégorie des ouvrages, installations, travaux ou activités dont les effets prévisibles sont suffisamment importants pour qu'ils nécessitent son intervention". L'avis de la mission déléguée de bassin sur les demandes d'autorisation faites en application de la loi sur l'eau n'est imposé, à peine d'irrégularité de l'autorisation délivrée, que lorsque les effets prévisibles des installations, travaux ou ouvrages pour lesquels l'autorisation est sollicitée, sont suffisamment importants pour nécessiter une coordination interrégionale ou une information au niveau national des autorités chargées de la planification dans le domaine de l'eau.


Références :

Arrêté du 02 septembre 1996
Code de justice administrative L821-2, L761-1
Décret 87-154 du 27 février 1987 art. 6
Décret 93-742 du 29 mars 1993 art. 9
Loi 92-3 du 03 janvier 1992 art. 10, art. 2


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2001, n° 199328;199369
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mlle Verot
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:199328.20010711
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