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11/07/2001 | FRANCE | N°220119

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 11 juillet 2001, 220119


Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 17 mars 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 3 mars 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Bahia X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale

relative aux droits de l'enfant ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novem...

Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 17 mars 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 3 mars 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Bahia X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme X... :
Considérant que la requête du PREFET DE L'ESSONNE, dirigée contre le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles en date du 17 mars 2000, a été enregistrée au Conseil d'Etat le 18 avril 2000 et non le 2 mai 2000 comme le soutient Mme X..., soit dans le délai d'un mois prévu par le IV de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; que la requête du PREFET DE L'ESSONNE était donc recevable ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière de Mme X... :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 22 septembre 1999, de la décision du 20 septembre 1999 par laquelle le PREFET DE L'ESSONNE a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que, par une décision de ce jour, le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé le jugement en date du 17 mars 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE du 3 mars 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X..., d'autre part, rejeté les conclusions de la demande présentée par ce dernier devant le tribunal administratif ; qu'ainsi, c'est à tort que ce magistrat a annulé l'arrêté préfectoral du 3 mars 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... par voie de conséquence du jugement susmentionné ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme X... tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat ;

Considérant que si Mme X... fait valoir qu'elle vit en France avec son époux et son fils mineur depuis février 1999 et qu'une partie de sa belle famille vit en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la brièveté de son séjour en France et du fait que son époux est lui-même en situation irrégulière et en l'absence de circonstance lui interdisant d'emmener sa famille avec elle, l'arrêté du 3 mars 2000 ait porté au droit de Mme X... au respect de sa vie familiale une atteinte dispropotionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; qu'il résulte de ces dispositions, qui peuvent utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme X... ne pouvait emmener son fils avec elle ; que, dès lors et dans les circonstances de l'espèce, ces stipulations n'ont pas été méconnues par la décision attaquée ; qu'en tout état de cause n'ont pas davantage été méconnues les stipulations de l'article 7 de cette convention relatives au droit des enfants d'être élevés par leurs parents ;
Considérant que Mme X... ne peut se prévaloir utilement des stipulations de l'article 9 de la convention internationale précitée qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits à leurs ressortissants ;
Considérant que Mme X... excipe de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé en invoquant, à l'encontre de cette décision, les mêmes moyens que ceux qu'elle a dirigés contre l'arrêté de reconduite à la frontière ainsi qu'un moyen tiré de la violation des articles 31 et 36 de la loi du 11 mai 1998 ; que, pour les raisons indiquées ci-dessus et en l'absence de précision permettant d'apprécier le bien-fondé du moyen tiré de la violation des dispositions de la loi du 11 mai 1998, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour du 20 septembre 1999 doit être écarté ;
Considérant enfin que si Mme X... fait valoir que son époux risquerait de subir des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne précitée, elle n'apporte, en tout état de cause, pas d'éléments suffisamment probants permettant d'établir que le couple serait personnellement menacé en cas de retour en Algérie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 3 mars 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
Sur les conclusions présentées par Mme X... et tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles en date du 17 mars 2000 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme X... devant le Conseil d'Etat et devant le tribunal administratif sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée, au PREFET DE L'ESSONNE, à Mme Bahia X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1 ss
Numéro d'arrêt : 220119
Date de la décision : 11/07/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 03 mars 2000
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Décret du 08 octobre 1990
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 98-349 du 11 mai 1998 art. 31, art. 36
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22 bis, art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2001, n° 220119
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Landais
Rapporteur public ?: Mme Boissard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:220119.20010711
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