Vu la requête, enregistrée le 25 mai 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ; le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande au Conseil d'Etat:
1°) d'annuler le jugement du 9 avril 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 26 mars 1999 décidant la reconduite à la frontière de M. Abderrazzach X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le président du tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants :
...3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de cette notification ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., ressortissant du Royaume du Maroc, à qui le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES avait refusé de délivrer un titre de séjour par une décision du 9 février 1999, qui lui avait été notifiée le 12 février 1999, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de cette notification ; qu'ainsi, il se trouvait dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que, si M. X... affirme qu'il vivrait en France depuis 1988, qu'il n'aurait plus d'attaches au Maroc et qu'il se serait intégré à la société française, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté attaqué, le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences qu'une mesure de reconduite à la frontière pouvait avoir sur la situation personnelle de l'intéressé ; qu'ainsi, c'est à tort que, pour annuler cet arrêté, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur ce que le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES aurait porté une atteinte excessive à la situation personnelle de M. X... ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... tant en première instance qu'en appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la commission du titre de séjour "est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis" ; qu'aux termes de l'article 12 bis de cette ordonnance : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ..." ; que, si M. X... a produit une attestation d'hébergement en France pour les années 1988 à 1992, il ne justifie pas avoir résidé habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date à laquelle le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; qu'ainsi, le préfet n'était pas tenu de saisir préalablement la commission du titre de séjour ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision du 9 février 1999 au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. X... n'était pas en droit de bénéficier d'une carte de séjour temporaire en application des dispositions précitées de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, dès lors, il n'est pas fondé à prétendre que ces dispositions se seraient opposées à ce qu'il fît l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant que, si M. X... se prévaut de ce que son frère et sa belle-soeur vivent en France avec leurs enfants, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à la durée pouvant être tenue pour effective et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, qui était célibataire à la date de l'arrêté attaqué et sans enfant, le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ait porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a décidé sa reconduite à la frontière ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant que, si M. X... s'est marié, le 5 avril 2000, avec une ressortissante française, cette circonstance, postérieure à l'arrêté attaqué, est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de celui-ci ;
Considérant que l'arrêté décidant la reconduite à la frontière d'un étranger n'a pas pour objet de déterminer le pays de destination, qui est fixé par une décision distincte ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué ne mentionne pas le pays à destination duquel M. X... sera reconduit est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 26 mars 1999 décidant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier en date du 9 avril 1999 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le président du tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à M. Abderrazzak X... et au ministre de l'intérieur.