Vu 1°), sous le n° 215550, la requête enregistrée le 21 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL PENITENTIAIRE FORCE OUVRIERE - DIRECTION, dont le siège est ... ; le SYNDICAT NATIONAL PENITENTIAIRE FORCE OUVRIERE - DIRECTION demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 99-902 du 25 octobre 1999 relatif à l'attribution d'une prime de sujétions spéciales à certains personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire en tant que ce décret accorde le bénéfice de la prime de sujétions spéciales pénitentiaires aux surveillants congréganistes ;
Vu 2°), sous le n° 220980, le mémoire, enregistré le 12 mai 2000, présenté par le SYNDICAT NATIONAL PENITENTIAIRE FORCE OUVRIERE, dont le siège est "Les iris", ... à Ris-Orangis (91136 Cedex) ; le SYNDICAT NATIONAL PENITENTIAIRE FORCE OUVRIERE demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2000-223 du 8 mars 2000 portant modification du décret n° 99-902 du 25 octobre 1999 relatif à l'attribution d'une prime de sujétions spéciales à certains personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire en tant que ce décret accorde le bénéfice de la prime de sujétions spéciales pénitentiaires aux surveillants congréganistes ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la loi du 24 mai 1825 modifiée relative à l'autorisation et à l'existence légale des congrégations et communautés religieuses de femmes ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 modifiée concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée relative aux droits et obligations des fonctionnaires, notamment son article 20 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, notamment ses articles 6 et 64 ;
Vu la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire ;
Vu le décret n° 93-1113 du 21 septembre 1993 modifié relatif au statut particulier du personnel de surveillance des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'article 225-1 du code pénal ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mochon, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête du SYNDICAT NATIONAL PENITENTIAIRE FORCE OUVRIERE - DIRECTION est dirigée contre le décret n° 99-902 du 25 octobre 1999 en tant qu'il accorde le bénéfice de la prime de sujétions spéciales aux "surveillants congréganistes" ; que cette requête a mis en cause en cours d'instance l'acte par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a approuvé la convention du 6 décembre 1995 relative aux conditions dans lesquelles les soeurs appartenant à la congrégation de Marie-Joseph et de la Miséricorde apportent leur concours au fonctionnement des services de plusieurs établissements pénitentiaires ; que la requête du syndicat national pénitentiaire conclut à l'annulation du décret n° 2000-223 du 8 mars 2000 portant modification du décret du 25 octobre 1999, en tant qu'il est relatif aux primes allouées aux "surveillants congréganistes" ;
Considérant que ces requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule décision ;
Sur les conclusions dirigées contre l'acte portant approbation de la convention du 6 décembre 1995 :
Considérant que la convention conclue le 6 décembre 1995 entre l'Etat, représenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et la congrégation des soeurs de Marie-Joseph et de la Miséricorde a pour objet de permettre aux membres de cette congrégation d'apporter leur concours au fonctionnement de trois établissements pénitentiaires sous la forme soit de "prestations spécifiques non assurées par les fonctionnaires de l'établissement ou des partenaires extérieurs", soit de "fonctions complémentaires de soutien à la prise en charge des détenues" ; qu'il est spécifié que bien que les soeurs soient dans l'exécution des tâches qui leur sont confiées placées sous le contrôle de l'administration pénitentiaire "il n'existe aucun lien contractuel entre chacune d'elles et l'administration" ; qu'il est prévu que les soeurs "assurent par elles-mêmes leur couverture sociale" ; que cependant, l'administration prend à sa charge "le logement des soeurs, les charges d'eau, d'électricité et de chauffage" et que la rémunération des tâches qui leur sont confiées est assurée par le versement à la Supérieure de la congrégation, "d'une indemnité globale équivalente, pour chaque soeur, à un traitement correspondant à l'indice brut, 226, augmenté des indemnités de résidence, de sujétion et de chaussures" ;
Considérant, en premier lieu, qu'en décidant de conclure cette convention, le ministre s'est borné à prévoir les conditions de rémunération du concours apporté au fonctionnement du service public pénitentiaire par les membres d'une congrégation, dont il n'est pas contesté qu'elle a une existence légale ; qu'eu égard à l'objet de cette rémunération, il ne saurait valablement être soutenu qu'il y aurait méconnaissance des dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 en vertu desquelles "la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte" ;
Considérant, en deuxième lieu, que la convention exclut des tâches susceptibles d'être confiées aux soeurs de la congrégation contractante, celles qui sont assurées par "les fonctionnaires de l'établissement" ; que par suite manque en fait le moyen tiré de ce que l'acte approuvant la convention méconnaîtrait les dispositions du décret du 21 septembre 1993 portant statut particulier du personnel de surveillance des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire qui investissent ce personnel de la surveillance des personnes détenues ;
Considérant, en troisième lieu, que la convention excluant l'existence de tout lien contractuel entre les soeurs membres de la congrégation et les établissements pénitentiaires, il ne saurait être soutenu qu'il y aurait violation de celles des dispositions de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 qui sont relatives tant aux missions dévolues aux fonctionnaires qu'aux conditions de recrutement des agents contractuels de l'Etat ; que, pour les mêmes motifs, la convention ne porte pas atteinte au principe d'égal accès aux emplois publics ;
Considérant ainsi qu'aucun des moyens invoqués à l'encontre de l'acte portant approbation de la convention litigieuse ne peut être accueilli ;
Sur les conclusions dirigées contre les décrets contestés, en tant qu'ils allouent aux "surveillants congréganistes" le bénéfice de la prime de sujétions spéciales :
Considérant que les décrets attaqués prévoient le versement d'une prime de sujétions spéciales aux personnels de surveillance exerçant dans les services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, en faisant figurer parmi les bénéficiaires de cette prime "les surveillants congréganistes" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapprochement des termes des décrets et des stipulations de la convention passée le 6 décembre 1995 par le garde des sceaux, ministre de la justice avec la congrégation des soeurs de Marie-Joseph et de la Miséricorde, que sous le vocable de "surveillants congréganistes", l'auteur du décret a entendu viser, non des personnels ayant la qualité de fonctionnaire, ni même celle d'agent public, mais les membres des congrégations religieuses apportant leur concours aux établissements pénitentiaires, pour l'exercice de tâches relevant non de la surveillance des détenues mais de fonctions complémentaires de soutien ; que si la rémunération des tâches confiées à ce titre aux soeurs appartenant à la congrégation est calculée par référence aux primes allouées aux personnels fonctionnaires, il est constant que la rétribution du service rendu est assurée par une indemnité globale versée à la congrégation ; qu'eu égard à la circonstance que la rémunération ainsi prévue ne touche à aucune matière qui relève de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 ou d'autres dispositions de valeur constitutionnelle, le gouvernement avait compétence pour l'instituer ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en tant qu'ils sont relatifs aux "surveillants congréganistes", les décrets attaqués ne visent en rien comme il a été dit ci-dessus des personnes ayant la qualité de fonctionnaire ; qu'il suit de là que les syndicats requérants ne sauraient valablement arguer d'une violation ni des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 qui sont relatives aux missions dévolues aux fonctionnaires, ni de celles du décret du 21 septembre 1993 portant statut particulier du personnel de surveillance des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ;
Considérant, en troisième lieu, que comme il a été ci-dessus à propos de l'examen de la légalité de l'acte approuvant la convention du 6 décembre 1995, la rémunération de tâches effectuées par les membres d'une congrégation pour les besoins du service public pénitentiaire, ne méconnaît pas les dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 ; qu'eu égard à son objet et dès lors que l'intervention des membres de la congrégation est exclusive de tout prosélytisme, il ne saurait davantage être soutenu que serait transgressé le principe de laïcité ou celui de neutralité du service public ;
Considérant enfin qu'en raison de l'intérêt général qui s'attache aux actions de soutien à la prise en charge des détenues, lesquelles n'excluent pas la possibilité pour l'administration pénitentiaire d'avoir recours à d'autres "partenaires extérieurs", ainsi que le prévoit la convention conclue le 6 décembre 1995, les décrets attaqués n'ont méconnu ni le principe général d'égalité, ni les dispositions de l'article 225-1 du code pénal prohibant les discriminations ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes susvisées doivent être rejetées ;
Article 1er : Les requêtes du SYNDICAT NATIONAL PENITENTIAIRE FORCE OUVRIERE - DIRECTION et du SYNDICAT NATIONAL PENITENTIAIRE FORCE OUVRIERE sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL PENITENTIAIRE FORCE OUVRIERE - DIRECTION, au SYNDICAT NATIONAL PENITENTIAIRE FORCE OUVRIERE et au garde des sceaux, ministre de la justice.