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27/07/2001 | FRANCE | N°222509

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 27 juillet 2001, 222509


Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Benoît X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 avril 2000 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé d'abroger les arrêtés du 18 juin 1986 et du 13 avril 1993 relatifs à la mise en oeuvre dans les tribunaux de grande instance d'un système de gestion automatisé de procédures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la convention

pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des ...

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Benoît X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 avril 2000 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé d'abroger les arrêtés du 18 juin 1986 et du 13 avril 1993 relatifs à la mise en oeuvre dans les tribunaux de grande instance d'un système de gestion automatisé de procédures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel faire à Strasbourg le 28 janvier 1981 et publiée par le décret n° 85-1203 du 15 novembre 1985 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thiellay, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux :
Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; que M. X... a demandé, le 10 janvier 2000, au garde des sceaux d'abroger les arrêtés du 18 juin 1986 et du 13 avril 1993 relatifs à la mise en oeuvre dans les tribunaux de grande instance d'un système de gestion automatisée de procédures, notamment pénales ; que M. X... conteste la légalité de la décision de rejet prise par le garde des sceaux ; que, par suite, le ministre ne peut utilement soutenir que, les délais de recours pour contester ces arrêtés étant expirés, la requête serait tardive ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée : "Hormis les cas où ils doivent être autorisés par la loi, les traitements automatisés d'informations nominatives opérés pour le compte de l'Etat, d'un établissement public ou d'une collectivité territoriale, ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public, sont décidés par un acte réglementaire pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. / Si l'avis de la Commission est défavorable, il ne peut être passé outre que par un décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat ( ...)" ;
Considérant que, saisie par le garde des sceaux, ministre de la justice, d'un projet d'arrêté relatif à la mise en oeuvre d'un système de gestion automatisée de certaines procédures dans les tribunaux de grande instance, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a, par une délibération n° 86-57 du 20 mai 1986, donné un avis favorable à ce projet sous réserve que les informations relatives à la gestion des procédures pénales ne soient pas conservées sur support informatique plus de cinq années à compter du jugement définitif ou de la décision de classement et que les fichiers du greffe soient mis à jour à la suite des mesures d'amnistie, de réhabilitation ou de grâce ; qu'elle a également indiqué que "les informations relatives à la gestion des affaires relevant des attributions non répressives du parquet ne devront pas être conservées, sur support informatique, au-delà du temps nécessaire à l'exercice des contrôles pour lesquels elles ont été enregistrées" ; que le ministre de la justice a pris, le 18 juin 1986, un arrêté relatif à la mise en oeuvre dans les tribunaux de grande instance d'un système de gestion automatisée des procédures pénales et des affaires relevant des procureurs de la République et, le 13 avril 1993, un arrêté relatif à la mise en oeuvre d'un système comparable pour les procédures pénales relevant des procureurs de la République et des juges d'instruction, les procédures pénales et civiles des juges des enfants ainsi que les affaires civiles, administratives et commerciales relevant des procureurs de la République ;

Considérant que les conditions posées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour la création, sur la base de l'article 15 de la loi du 6 janvier 1978, d'un traitement automatisé d'informations nominatives, forment un ensemble destiné à garantir que ce traitement satisfait aux exigences de la loi et assure, de façon satisfaisante, le respect des intérêts que le législateur a entendu protéger ; qu'il en résulte que l'absence, dans l'acte réglementaire de création d'un traitement d'informations nominatives, des mesures propres à assurer le respect des conditions ou réserves figurant dans l'avis préalable de la Commission entache cet acte, dans son ensemble, d'illégalité ; qu'il est constant que les deux arrêtés dont l'abrogation a été demandée au ministre de la justice ne prévoient aucune disposition répondant aux conditions fixées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés sur les modalités de mise à jour ou de destruction des données faisant l'objet du traitement automatisé ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que les deux arrêtés qu'il conteste, en date, respectivement, du 18 juin 1986 et du 13 avril 1993, sont entachés, dans leur ensemble, d'illégalité et que c'est à tort que le garde des sceaux a refusé d'en prononcer l'abrogation ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que le traitement automatisé autorisé par les deux arrêtés en cause est nécessaire au bon fonctionnement du service public de la justice ;
Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu de décider que le garde des sceaux disposera d'un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision pour, selon son choix, compléter les arrêtés contestés en prévoyant, conformément à l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés du 20 mai 1986, le délai maximal de conservation des données concernant les procédures pénales, c'est-à-dire celles visées aux premier et deuxième tirets de l'article 2 et aux premier, deuxième, troisième, quatrième, septième et huitième tirets de l'article 3, les modalités de mise à jour des informations à la suite des mesures d'amnistie, de réhabilitation et de grâce, ainsi que le délai de conservation des autres informations ou faire prendre un décret, sur avis conforme du Conseil d'Etat, permettant de passer outre les réserves émises par la Commission ;
Considérant que, faute pour le garde des sceaux d'avoir rétabli, dans le délai fixé ci-dessus, la légalité du traitement automatisé qu'il a autorisé par ses arrêtés des 18 juin 1986 et 13 avril 1993, il devra, sans délai, prononcer l'abrogation desdits arrêtés ;
Article 1er : La décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 21avril 2000 refusant d'abroger les arrêtés du 18 juin 1986 et du 13 avril 1993 est annulée. Cette annulation comporte, pour le garde des sceaux, ministre de la justice, les obligations exposées dans les motifs de la présente décision qui en constituent le soutien nécessaire.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Benoît X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 222509
Date de la décision : 27/07/2001
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

26 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - Informatique et libertés - Acte réglementaire de création d'un traitement d'informations nominatives - Absence de mesures propres à assurer le respect des conditions ou réserves figurant dans l'avis préalable de la Commission - Conséquence - Illégalité de l'acte dans son ensemble.

26 Les conditions posées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour la création, sur la base de l'article 15 de la loi du 6 janvier 1978, d'un traitement automatisé d'informations nominatives, forment un ensemble destiné à garantir que ce traitement satisfait aux exigences de la loi et assure, de façon satisfaisante, le respect des intérêts que le législateur a entendu protéger. Il en résulte que l'absence, dans l'acte réglementaire de création d'un traitement d'informations nominatives, des mesures propres à assurer le respect des conditions ou réserves figurant dans l'avis préalable de la Commission entache cet acte, dans son ensemble, d'illégalité. Arrêtés du garde des sceaux, ministre de la justice, relatifs à la mise en oeuvre dans les tribunaux de grande instance d'un système de gestion automatisé de procédures ne prévoyant aucune disposition répondant aux conditions fixées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés sur les modalités de mise à jour ou de destruction des données faisant l'objet du traitement automatisé. Arrêtés entachés dans leur ensemble d'illégalité.

- RJ1 PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - Excès de pouvoir - Pouvoirs du juge - Annulation d'actes créant un traitement automatisé d'informations nominatives entachés d'illégalité à défaut de comporter certaines dispositions - Délai imparti à l'administration - eu égard aux exigences du service public pour rétablir la légalité du traitement automatisé - A défaut - obligation de prononcer sans délai l'abrogation des actes contestés (1).

54-07-01 Arrêtés du garde des sceaux, ministre de la justice, relatifs à la mise en oeuvre dans les tribunaux de grande instance d'un système de gestion automatisé de procédures ne prévoyant aucune disposition répondant aux conditions fixées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés sur les modalités de mise à jour ou de destruction des données faisant l'objet du traitement automatisé. Arrêtés entachés dans leur ensemble d'illégalité. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le traitement autorisé par les deux arrêtés en cause est nécessaire au bon fonctionnement du service public de la justice. Dans ces conditions, il y a lieu de décider que le garde des sceaux disposera d'un délai de deux mois à compter de la notification de la décision pour, selon son choix, compléter les arrêtés contestés en prévoyant, conformément à l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, le délai maximal de conservation des données concernant les procédures pénales, les modalités de mise à jour des informations à la suite des mesures d'amnistie, de réhabilitation et de grâce, ainsi que le délai de conservation des autres informations ou de faire prendre un décret, sur avis conforme du Conseil d'Etat, permettant de passer outre les réserves émises par la Commission. Obligation pour le garde des sceaux, à défaut d'avoir rétabli, dans ce délai, la légalité du traitement automatisé qu'il a autorisé par les arrêtés contestés, de prononcer sans délai l'abrogation desdits arrêtés.


Références :

Loi 78-17 du 06 janvier 1978 art. 15

1.

Rappr. CE Ass., 2001-06-29, M. Vassilikiotis, à publier au recueil


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2001, n° 222509
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Thiellay
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:222509.20010727
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