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27/07/2001 | FRANCE | N°223529

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 27 juillet 2001, 223529


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet 2000 et 23 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat , présentés pour M. Jean X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 30 mars 2000 par lequel la Cour des comptes a rejeté son appel dirigé contre le jugement de la chambre régionale des comptes de Lorraine du 26 janvier 1999 l'ayant déclaré, conjointement et solidairement avec M. Claude Z... et M. Jean-Claude Y..., comptable de fait à titre définitif des deniers de la commune de Ville

rs-lès-Nancy ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 30 00...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet 2000 et 23 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat , présentés pour M. Jean X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 30 mars 2000 par lequel la Cour des comptes a rejeté son appel dirigé contre le jugement de la chambre régionale des comptes de Lorraine du 26 janvier 1999 l'ayant déclaré, conjointement et solidairement avec M. Claude Z... et M. Jean-Claude Y..., comptable de fait à titre définitif des deniers de la commune de Villers-lès-Nancy ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 30 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
Vu l'article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 64-1022 du 29 septembre 1964 ;
Vu le décret n° 66-850 du 15 novembre 1966 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Legras, auditeur,
- les observations de Me Balat, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 231-2 du code des juridictions financières : "Sous réserve des dispositions des articles L. 211-2 et L. 231-6, la chambre régionale des comptes statue en premier ressort, à titre provisoire ou définitif, sur le compte des comptables publics des collectivités territoriales et de leurs établissements publics situés dans son ressort" ; que le premier alinéa de l'article L. 231-3 du même code dispose que : "La chambre régionale des comptes juge, dans les mêmes formes et sous les mêmes sanctions, les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait d'une collectivité ou d'un établissement public relevant de sa compétence" ; qu'en vertu de l'article L. 241-2 les magistrats de la chambre régionale des comptes disposent, pour l'exercice des contrôles qu'ils effectuent, de l'ensemble des droits et pouvoirs attribués à la Cour des comptes par le titre IV du livre Ier du code des juridictions financières ;
Considérant que l'article 29 du décret du 23 août 1995 relatif aux chambres régionales des comptes dispose que : "Les vérifications et l'instruction des affaires dont la chambre régionale des comptes se saisit elle-même ou est saisie, soit sur réquisitoire du ministère public, soit en application de dispositions législatives, sont confiées à un ou plusieurs rapporteurs chargés d'en faire le rapport devant la formation de délibéré./ Les rapporteurs procèdent sur pièces et sur place aux vérifications et instructions qui leur sont confiées. Celles-ci comportent, en tant que de besoin, toutes demandes de renseignements, enquêtes ou expertises, dans les conditions définies par l'article 30 ci-après ( ...)" ; que l'article 30 habilite les rapporteurs près les chambres régionales des comptes à demander la communication de tous documents et renseignements relatifs à la gestion des services et organismes dont les comptes ou la gestion sont soumis au contrôle des chambres ; qu'en vertu des articles 31 et 32 du même décret, ces rapporteurs ont un droit d'accès aux logiciels, aux données informatiques et aux immeubles des collectivités et personnes qu'ils contrôlent ; qu'enfin, aux termes de l'article 34 du décret du 23 août 1995 : "Les constatations auxquelles donnent lieu l'examen ou le contrôle des affaires sont consignées dans un rapport. Les suites à leur donner font l'objet de propositions motivées" ;
Considérant, par ailleurs, que l'article 36 du décret du 23 août 1995 prévoit que : "Le rapporteur présente son rapport devant la formation de délibéré. S'il en a été désigné un, le contre-rapporteur fait connaître son avis sur les propositions formulées ( ...) La formation devant laquelle le rapport a été présenté délibère ensuite ; elle rend une décision sur chaque proposition. S'il est nécessaire de procéder à un vote, le président recueille successivement le vote du rapporteur, puis de chacun des conseillers ( ...)" ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que lorsqu'une chambre régionale des comptes procède à l'examen de la gestion d'une collectivité publique ou d'un organisme soumis à son contrôle, son rapporteur peut être amené, par la nature même de la mission qui lui est impartie, à constater les manquements aux règles de la comptabilité publique qui peuvent conduire à ce que la chambre soit saisie, dans le cadre d'une procédure juridictionnelle, de ces constatations ; que les larges pouvoirs d'investigation dont le rapporteur est investi pour procéder à la vérification des comptes et de la gestion des organismes et collectivités soumis au contrôle de la chambre régionale des comptes ne se confondent pas avec ceux qui peuvent être mis en oeuvre par la formation de jugement collégiale de cette chambre, chargée de se prononcer sur une déclaration de gestion de fait ;
Considérant que le principe d'impartialité applicable à toute juridiction administrative fait obstacle à ce que le rapporteur d'une chambre régionale des comptes participe au jugement de comptes dont il a eu à connaître à l'occasion d'une vérification de gestion ; qu'il s'ensuit que la participation au délibéré de la formation de jugement chargée de se prononcer sur une déclaration de gestion de fait du rapporteur auquel a été confiée la vérification de la gestion de l'organisme dont les deniers sont en cause entache d'irrégularité la composition de cette formation ;
Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure suivie devant la Cour des comptes qu'un membre de la chambre régionale des comptes de Lorraine a mené, pour le compte de cette chambre, le contrôle de la gestion de la commune de Villers-lès-Nancy ; qu'à la suite de son rapport, une procédure juridictionnelle de déclaration de gestion de fait a été engagée à l'encontre de M. X... et de deux autres personnes à raison du versement par l'association du comité social en faveur du personnel communal de Villers-lès-Nancy de compléments de rémunération aux membres de ce personnel, soit de dépenses qui ne pouvaient être effectuées que par le comptable de la commune ; que le même membre de la chambre régionale des comptes de Lorraine a ensuite, en tant que magistrat, occupé les fonctions de rapporteur devant la formation de jugement de cette chambre chargée de se prononcer sur les opérations présumées constitutives de gestion de fait des deniers de la commune de Villers-lès-Nancy ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la composition de cette formation de jugement était irrégulière ; qu'ainsi que le font valoir le requérant, ce moyen, qui est d'ordre public, devait être relevé d'office par la Cour des comptes ; qu'il suit de là qu'en ne relevant pas que le jugement qui lui était déféré méconnaissait le principe d'impartialité, la cour a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt du 30 mars 2000 de la Cour des comptes doit être annulé en tant qu'il a confirmé le jugement du 26 janvier 1999 de la chambre régionale des comptes de Lorraine en tant que ce jugement a déclaré M. X..., conjointement et solidairement avec d'autres personnes, comptables de fait des deniers de la commune de Villers-Lès-Nancy ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'ont seules la qualité de parties à l'instance en reddition de compte ouverte devant la juridiction financière le comptable et la personne morale de droit public dont ce comptable a manié les deniers ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est partie à l'instance, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la Cour des comptes du 30 mars 2000 est annulé en tant qu'il a confirmé le jugement du 26 janvier 1999 de la chambre régionale des comptes de Lorraine en tant que ce jugement a déclaré M. X..., conjointement et solidairement avec d'autres personnes, comptable de fait des deniers de la commune de Villers-lès-Nancy.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour des comptes.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean X..., à M. Claude Z..., à M. Jean-Claude Y..., à la commune de Villers-lès-Nancy, au procureur général près la Cour des comptes et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 223529
Date de la décision : 27/07/2001
Sens de l'arrêt : Annulation partielle renvoi
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES COMPTES - COUR DES COMPTES - Cour des comptes statuant en matière de gestion de fait - Instance en cassation devant le Conseil d'Etat - Possibilité de condamner l'Etat au paiement des frais irrépétibles - Absence (1).

18-01-04-01, 54-06-05-11 Ont seules la qualité de parties à l'instance en reddition de compte ouverte devant la juridiction financière le comptable et la personne morale de droit public dont ce comptable a manié les deniers. Dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie à l'instance, soit condamné au paiement de frais irrépétibles dans l'instance en cassation relative à un arrêt de la Cour des comptes statuant en matière de gestion de fait.

- RJ1 PROCEDURE - JUGEMENTS - FRAIS ET DEPENS - REMBOURSEMENT DES FRAIS NON COMPRIS DANS LES DEPENS - Cour des comptes statuant en matière de gestion de fait - Instance en cassation devant le Conseil d'Etat - Possibilité de condamner l'Etat au paiement des frais irrépétibles - Absence (1).


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code des juridictions financières L231-2, L231-3, L241-2
Décret du 23 août 1995 art. 29, art. 30, art. 31, art. 32, art. 34, art. 36

1. Ab. Jur. sur ce point CE Ass., 2001-04-06, SA Entreprise Razel frères et Le Leuch, à publier


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2001, n° 223529
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Legras
Rapporteur public ?: M. Seban

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:223529.20010727
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