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27/07/2001 | FRANCE | N°227160

France | France, Conseil d'État, 1 / 2 ssr, 27 juillet 2001, 227160


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION DE LA SANTE ET DE L'ACTION SOCIALE CGT, dont le siège est ..., représentée par son secrétaire général en exercice ; la FEDERATION DE LA SANTE ET DE L'ACTION SOCIALE CGT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2000 du ministre de l'emploi et de la solidarité en tant qu'il porte agrément de l'avenant n° 2000-02 du 12 avril 2000 à la convention collective nationale du 31 octobre 1951 ;
2°) subsidiairement, d'annuler l'artic

le 5 de l'avenant précité ;
3°) de condamner l'Etat à lui rembourser le...

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION DE LA SANTE ET DE L'ACTION SOCIALE CGT, dont le siège est ..., représentée par son secrétaire général en exercice ; la FEDERATION DE LA SANTE ET DE L'ACTION SOCIALE CGT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2000 du ministre de l'emploi et de la solidarité en tant qu'il porte agrément de l'avenant n° 2000-02 du 12 avril 2000 à la convention collective nationale du 31 octobre 1951 ;
2°) subsidiairement, d'annuler l'article 5 de l'avenant précité ;
3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 modifiée par la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 ;
Vu la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 ;
Vu le décret n° 77-1113 du 30 septembre 1977, modifié par les décrets n° 82-1040 du 7 décembre 1982 et n° 88-248 du 14 mars 1988 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la FEDERATION DE LA SANTE ET DE L'ACTION SOCIALE CGT demande l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2000 du ministre de l'emploi et de la solidarité en tant qu'il porte agrément de l'avenant n° 2000-02 du 12 avril 2000 à la convention collective nationale du 31 octobre 1951 des établissements privés d'hospitalisation, de cure et de garde à but non lucratif ;
Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 30 juin 1975, dans sa rédaction issue de la loi du 6 janvier 1986 : "Les conventions collectives de travail ( ...) applicables aux salariés des établissements ou services à caractère social ou sanitaire à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent ( ...) dans les conditions fixées par voie réglementaire ( ...)" ; que le décret susvisé du 30 septembre 1977 dispose, dans son article 1er, que le ministre compétent en matière d'agrément est le ministre chargé de la santé et de l'action sociale ;
Considérant que la légalité d'un arrêté ministériel prononçant l'agrément d'un accord collectif de travail est nécessairement subordonnée à la validité de la convention ou de l'avenant en cause ; que, lorsqu'une contestation sérieuse s'élève sur ladite validité, la juridiction administrative, compétemment saisie d'un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté ministériel d'agrément est, eu égard au caractère de contrat de droit privé que présente l'accord, tenue de renvoyer à l'autorité judiciaire l'examen de cette question préjudicielle ;
Sur le moyen dirigé contre l'arrêté d'agrément de l'avenant en tant que cet avenant a été signé par des organisations syndicales minoritaires :
Considérant qu'aux termes du V de l'article 19 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail : "Pour ouvrir droit à l'allègement, l'accord d'entreprise doit être signé par une ou des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel" ; que ces dispositions, qui ne concernent que les accords d'entreprise, ne peuvent utilement être invoquées à l'encontre d'un avenant à une convention collective nationale ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'avenant aurait été signé par des organisations syndicales minoritaires en méconnaissance des dispositions du V de l'article 19 de la loi du 19 janvier 2000 ne soulève pas de contestation sérieuse et doit être écarté ;
Sur le moyen dirigé contre l'arrêté d'agrément de l'avenant du 12 avril 2000 en tant que cet avenant prévoirait des mesures de modération salariale et de blocage des carrières contraires aux stipulations de la convention collective nationale du 31 octobre 1951 :

Considérant que ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ne peut donc qu'être écarté ;
Sur le moyen dirigé contre l'arrêté d'agrément de l'avenant précité en tant que cet avenant ne précise pas le régime des heures supplémentaires :
Considérant qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne fait obligation aux signataires d'un accord collectif de travail d'y inclure des stipulations concernant le régime des heures supplémentaires ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'avenant ne prévoirait pas un tel régime ne soulève pas de contestation sérieuse et ne peut qu'être écarté ;
Sur le moyen dirigé contre l'arrêté d'agrément de l'avenant en tant que cet avenant est contraire au principe d'égalité de rémunération de salariés placés dans des situations identiques :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 32 de la loi du 19 janvier 2000 : "Les salariés dont la durée du travail a été réduite à trente-cinq heures ou plus à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ne peuvent percevoir, postérieurement au 1er janvier 2000, un salaire mensuel inférieur au produit du salaire minimum de croissance en vigueur à la date de la réduction par le nombre d'heures correspondant à la durée collective qui leur était applicable, dans la limite de cent soixante-neuf heures. Cette garantie est assurée par le versement d'un complément différentiel de salaire. / ( ...) Les salariés à temps partiel, employés dans les entreprises où la durée collective du travail est réduite en dessous de trente-neuf heures, et dont la durée du travail est réduite, ne peuvent percevoir un salaire inférieur au minimum défini ci-dessus calculé à due proportion" ; qu'aux termes du II du même article : "( ...)/ Les salariés à temps partiel embauchés postérieurement à la réduction de la durée collective bénéficient également de ce minimum calculé à due proportion dès lors qu'ils occupent un emploi équivalent, par sa nature et sa durée, à celui occupé par un salarié bénéficiant du complément différentiel. Bénéficient également de ce complément calculé à due proportion les salariés employés à temps partiel à la date de la réduction de la durée du travail lorsqu'ils sont occupés sur un emploi équivalent, par sa nature et sa durée, à celui occupé par un salarié bénéficiant du complément" ; qu'aux termes du VI du même article : "Sous réserve des dispositions du II, lorsque les salariés dont la durée du travail a été réduite perçoivent le complément prévu au I du présent article ou un complément de même nature destiné à assurer le maintien de tout ou partie de leur rémunération en application des stipulations d'une convention ou d'un accord collectif étendu ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement, ce complément n'est pas pris en compte pour déterminer la rémunération des salariés à temps partiel telle que définie au troisième alinéa de l'article L.212-4-5 du code du travail, sauf stipulation contraire de l'accord collectif" ; qu'enfin, le troisième alinéa de l'article L. 212-4-5 du code du travail prévoit que la rémunération des salariés employés à temps partiel est, compte tenu de la durée de leur travail et de leur ancienneté dans l'entreprise, proportionnelle à celle du salarié qui, à qualification égale, occupe à temps complet un emploi équivalent dans l'entreprise ou l'établissement ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées ainsi que de la décision n° 99-423 DC du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2000, que le législateur a entendu garantir aux salariés dont la durée de travail est réduite et qui étaient rémunérés au niveau du salaire minimum de croissance, un complément différentiel de salaire destiné à maintenir leur rémunération antérieure ; que les salariés employés à temps partiel, occupés sur des emplois équivalents à ceux occupés par des salariés bénéficiant du complément différentiel de salaire prévu au I de l'article 32 de la loi du 19 janvier 2000 et ayant refusé la réduction de leur temps de travail bénéficient également, à due proportion, de ce complément ; qu'enfin, des accords collectifs peuvent prévoir, sous réserve du respect du mécanisme de garantie de rémunération minimale prévu au I de l'article 32 précité, que des compléments salariaux sont accordés aux salariés ayant accepté de réduire leur temps de travail, sans que ces compléments soient versés, à due proportion, aux salariés à temps partiel ;
Considérant que l'avenant du 12 avril 2000 prévoit, en ses articles 5 et 10, qu'une indemnité de solidarité, destinée à permettre le maintien de la rémunération antérieure des salariés dont la durée du travail a été réduite, est versée aux salariés présents dans l'entreprise avant la réduction du temps de travail et dont le temps de travail est réduit ainsi qu'aux nouveaux salariés recrutés à temps plein après réduction de la durée collective de travail ; que ces articles prévoient que les salariés à temps partiel recrutés après réduction de la durée collective du travail sont rémunérés "conformément aux dispositions légales et réglementaires" ; qu'ils prévoient enfin que l'indemnité de solidarité n'est pas versée aux salariés qui travaillaient à temps partiel avant la réduction de la durée collective du travail et qui refusent la réduction de leur durée individuelle de travail ;
Considérant que la fédération requérante soutient qu'il résulte de ces stipulations une double inégalité entre les salariés à temps partiel tenant à leur niveau de rémunération ; que la première de ces inégalités est constatée entre, d'une part, les salariés à temps partiel présents dans l'entreprise ou l'établissement avant la réduction du temps de travail ayant accepté la réduction de leur temps de travail et, d'autre part, les nouveaux salariés recrutés à temps partiel ; que la seconde inégalité consiste en une différence de traitement entre salariés à temps partiel présents dans l'entreprise ou l'établissement avant la réduction du temps de travail selon qu'ils ont ou non accepté la réduction de leur durée de travail ;
Considérant, en premier lieu, que soulève une difficulté sérieuse la question de la légalité des stipulations des articles 5 et 10 de l'avenant du 12 avril 2000 au regard du principe d'égalité entre, d'une part, les salariés à temps partiel présents dans l'entreprise ou l'établissement avant la réduction du temps de travail ayant accepté la réduction de leur temps de travail et, d'autre part, les nouveaux salariés recrutés à temps partiel, compte tenu du sens à donner à la stipulation de l'avenant selon laquelle : "les nouveaux salariés recrutés à temps partiel sont rémunérés conformément aux dispositions légales et réglementaires" ;

Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu des termes des II et VI de l'article 32 de la loi du 19 janvier 2000 précitée, soulève également une contestation sérieuse la seconde branche du moyen tirée de ce que la différence de traitement instituée par les articles 5 et 10 de l'avenant entre salariés à temps partiel présents dans l'entreprise ou l'établissement avant la réduction du temps de travail selon qu'ils ont ou non accepté la réduction de leur durée de travail serait contraire au principe d'égalité ; que le moyen ci-dessus analysé en ses deux branches, commande la solution du litige soumis au Conseil d'Etat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle dont s'agit ;
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la FEDERATION DE LA SANTE ET DE L'ACTION SOCIALE CGT dirigée contre l'arrêté du 21 juillet 2000 en tant qu'il porte agrément de l'avenant n° 2000-02 du 12 avril 2000 à la convention collective nationale du 31 octobre 1951 jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si, compte tenu des termes du II et du VI de l'article 32 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, l'avenant précité serait contraire au principe d'égalité de rémunération de salariés placés dans des situations identiques en ce qu'il prévoit, d'une part, que "les nouveaux salariés recrutés à temps partiel sont rémunérés conformément aux dispositions légales et réglementaires" et, d'autre part, que les salariés à temps partiel, ayant refusé la réduction de leur temps de travail et occupant des postes équivalents à ceux de salariés recevant l'indemnité de solidarité, sont exclus du bénéfice de cette indemnité.
Article 2 : La FEDERATION DE LA SANTE ET DE L'ACTION SOCIALE CGT devra justifier, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de sa diligence à saisir de cette question la juridiction compétente.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DE LA SANTE ET DE L'ACTION SOCIALE CGT et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 227160
Date de la décision : 27/07/2001
Sens de l'arrêt : Sursis à statuer question préjudicielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-03 TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL -Temps de travail - Loi du 19 janvier 2000 - Effets de la réduction du temps de travail sur la rémunération.

66-03 Il résulte des dispositions de la loi du 19 janvier 2000 ainsi que de la décision n° 99-423 DC du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2000, que le législateur a entendu garantir aux salariés dont la durée de travail est réduite et qui étaient rémunérés au niveau du salaire minimum de croissance, un complément différentiel de salaire destiné à maintenir leur rémunération antérieure. Les salariés employés à temps partiel, occupés sur des emplois équivalents à ceux occupés par des salariés bénéficiant du complément différentiel de salaire prévu au I de l'article 32 de la loi du 19 janvier 2000 et ayant refusé la réduction de leur temps de travail bénéficient également, à due proportion, de ce complément. Des accords collectifs peuvent prévoir, sous réserve du respect du mécanisme de garantie de rémunération minimale prévu au I de l'article 32 précité, que des compléments salariaux sont accordés aux salariés ayant accepté de réduire leur temps de travail, sans que ces compléments soient versés, à due proportion, aux salariés à temps partiel.


Références :

Arrêté du 21 juillet 2000 emploi et solidarité décision attaquée
Code du travail L212-4-5
Décret 77-1113 du 30 septembre 1977 art. 1
Loi 2000-37 du 19 janvier 2000 art. 19, art. 32
Loi 75-535 du 30 juin 1975 art. 16
Loi 86-17 du 06 janvier 1986


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2001, n° 227160
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: Mlle Landais
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:227160.20010727
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