Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Michel X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté en date du 19 janvier 2000 par lequel le ministre des affaires étrangères l'a placé en position de congé administratif pour une durée de 69 jours à compter du 30 janvier 2000 et, à l'issue de ce congé, en position de mission pour plus de six mois à l'administration centrale ;
2°) d'annuler un décret en date du 1er février 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur, M. Jean-Pierre Y... ambassadeur auprès de la République des îles Fidji ;
3°) d'annuler un décret en date du 22 mars 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur, M. Jean-Pierre Y... ambassadeur auprès de la République de Nauru ;
4°) d'annuler un décret en date du 30 mars 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur, M. Jean-Pierre Y... ambassadeur auprès du Royaume de Tonga ;
5°) d'annuler un décret en date du 30 mars 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur, M. Jean-Pierre Y... ambassadeur auprès de la République de Kiribati ;
6°) d'annuler un décret en date du 10 avril 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur, M. Jean-Pierre Y... ambassadeur auprès de la République des îles Marshall ;
7°) d'annuler un décret en date du 10 avril 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur, M. Jean-Pierre Y... ambassadeur auprès des Etats fédérés de Micronésie ;
8°) d'annuler un décret en date du 10 mai 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur, M. Jean-Pierre Y... ambassadeur à Tuvalu ;
9°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 13 ;
Vu l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Denis, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Blanc, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... précédemment ambassadeur de France auprès de la République des îles Fidji ainsi que de six autres Etats voisins, conteste la légalité, d'une part, de l'arrêté du ministre des affaires étrangères en date du 19 janvier 2000 en tant qu'il l'a placé en position de mission pour plus de six mois à l'administration centrale et, d'autre part, du décret en date du 1er février 2000 nommant M. Y... ambassadeur auprès de la République des îles Fidji, du décret en date du 22 mars 2000 nommant son successeur ambassadeur auprès de la République de Nauru, du décret en date du 30 mars 2000 nommant son successeur ambassadeur auprès du Royaume de Tonga, du décret en date du 30 mars 2000 nommant son successeur, ambassadeur auprès de la République de Kiribati, du décret en date du 10 avril 2000 nommant son successeur ambassadeur auprès de la République des îles Marshall, du décret en date du 10 avril 2000 nommant son successeur ambassadeur auprès des Etats fédérés de Micronésie, du décret en date du 10 mai 2000 nommant son successeur ambassadeur à Tuvalu ;
Sur les conclusions relatives à l'arrêté ministériel du 19 janvier 2000 :
Considérant qu'il résulte du rapprochement du premier et du troisième alinéa de l'article 13 de la Constitution que les ambassadeurs sont nommés par décret du Président de la République pris en conseil des ministres ; qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre des affaires étrangères a, par un arrêté en date du 19 janvier 2000, antérieur au décret en date du 1er février 2000 par lequel le Président de la République a nommé M. Y... ambassadeur aux îles Fidji en remplacement de M. X..., placé le requérant ambassadeur encore en fonction aux îles Fidji, en position de mission pour plus de six mois à l'administration centrale à l'issue de son congé administratif ; que cet arrêté, en tant qu'il procède à l'affectation de l'intéressé à l'administration centrale est, à la date où il est intervenu, entaché d'incompétence quels que soient les termes de la lettre en date du 28 janvier 2000 par lesquels il a été transmis à M. X... ;
Sur les conclusions relatives aux décrets attaqués :
En ce qui concerne les fins de non recevoir opposées par le ministre des affaires étrangères à l'encontre des conclusions dirigées contre les décrets des 22 mars, 30 mars, 10 avril et 10 mai 2000 :
Considérant qu'eu égard aux liens existant entre la nomination de M. Y... comme ambassadeur de France auprès des îles Fidji et sa nomination ultérieure comme ambassadeur auprès de six autres Etats voisins et à la circonstance que M. X... avait été précédemment investi de l'ensemble de ces fonctions, le ministre des affaires étrangères n'est fondé à soutenir ni que M. X... serait sans intérêt à contester la légalité des décrets de nomination autres que celui du 1er février 2000, ni que le requérant ne serait pas recevable à contester par une requête unique la légalité de plusieurs décrets ;
En ce qui concerne la légalité des décrets contestés :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus il résulte de l'article 13 de la Constitution que les ambassadeurs sont nommés par décret en conseil des ministres ; que si le Président de la République peut, à tout moment, décider qu'il est mis fin aux fonctions d'un ambassadeur, cette cessation de fonctions, même si elle est dépourvue de caractère disciplinaire, constitue, sauf si elle est la conséquence d'une nouvelle réglementation de l'emploi en cause, une mesure prise en considération de la personne de l'intéressé ; qu'elle doit, dès lors, être précédée de la formalité instituée par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, qui est applicable à tout agent public ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... n'a pas été mis à même de demander utilement la communication de son dossier et de faire connaître à l'autorité compétente ses observations avant d'être informé par un télégramme du 24 novembre 1999 qu'au cours du conseil des ministres du même jour il avait été décidé de pourvoir à son remplacement comme ambassadeur auprès des îles Fidji, à charge pour lui d'en informer les autorités locales et de recueillir leur agrément sur la nomination de M. Y... son successeur ; que, dans ces circonstances, le requérant est fondé à soutenir que le décret du 1er février 2000, qui a mis fin à ses fonctions et a nommé à sa place M. Vidon, est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière ; que le requérant est également fondé à soutenir que les décrets qui ont nommé M. Y..., pris en sa qualité d'ambassadeur auprès des îles Fidji, comme ambassadeur auprès de six autres Etats, doivent par voie de conséquence, être eux aussi annulés ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 20 000 F qu'il réclame au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : Sont annulés l'arrêté du ministre des affaires étrangères en date du 19 janvier 2000 en tant qu'il a placé M. X... en position de mission pour plus de six mois à l'administration centrale ensemble le décret en date du 1er février 2000 par lequel le Président de la République a nommé M. Y..., ambassadeur auprès de la République des îles Fidji en remplacement de M. X..., le décret en date du 22 mars 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur ambassadeur auprès de la République de Nauru, le décret en date du 30 mars 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur ambassadeur auprès du Royaume de Tonga, le décret en date du 30 mars 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur ambassadeur auprès de la République de Kiribati, le décret en date du 10 avril 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur ambassadeur auprès de la République des îles Marshall, le décret en date du 10 avril 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur ambassadeur auprès des Etats fédérés de Micronésie et le décret en date du 10 mai 2000 par lequel le Président de la République a nommé son successeur ambassadeur à Tuvalu.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser la somme de 20 000 F à M. X... au titre des frais exposés par M. X... et non compris dans les dépens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Michel X..., à M. Jean-Pierre Y..., au ministre des affaires étrangères et au Premier ministre.