Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 janvier 2001 et 19 février 2001, présentés pour M. Nicolas Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement en date du 19 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de Mme X..., annulé son élection en qualité de conseiller général du canton de Blois III et de condamner Mme X... à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. Y... et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme X...,
- les conclusions de Melle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant en premier lieu qu'aux termes du premier alinéa de l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 "Pendant la semaine qui précède chaque tour de scrutin ainsi que pendant le déroulement de ceux-ci, sont interdits, par quelque moyen que ce soit, la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage tel que défini à l'article 1er", et qu'aux termes du deuxième alinéa de cet article, dans le cas d'élections partielles, "l'interdiction ne s'applique qu'aux sondages portant directement ou indirectement sur les scrutins partiels" ;
Considérant qu'il est constant que le quotidien "La Nouvelle République" a annoncé, entre les deux tours de scrutin de l'élection cantonale partielle organisée dans le canton de Blois III les 2 et 9 juillet 2000, la publication la semaine suivante, d'une enquête accompagnée d'un sondage sur le thème "vous sentez-vous en sécurité à Blois ?" et que, lors d'un débat organisé par une station de radio locale entre les deux tours, M. Y... a fait allusion au fait "qu'un journal de la région sortira des chiffres sur l'insécurité qui sont très alarmants" ; qu'en admettant même que ces propos puissent être regardés comme le commentaire d'un sondage, celui-ci ne peut être considéré, quelle qu'ait été l'importance prise par le thème de la sécurité lors de la campagne électorale, comme portant, même indirectement, sur le scrutin cantonal partiel ;
Considérant en deuxième lieu que s'il ressort des pièces du dossier que des tracts ont pu être déposés, le matin du scrutin, sur le pare-brise de certains véhicules situés à proximité de 2 bureaux de vote, ces tracts, dont il n'est pas établi qu'ils auraient été distribués en grand nombre et que leur distribution se soit accompagnée de pressions sur les électeurs, se bornaient à appeler à voter pour M. Y... "pour faire barrage au parti socialiste" ; que, dans ces circonstances, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 49 du code électoral ne peut être regardée, malgré le très faible écart de voix séparant les deux candidats, comme ayant altéré la sincérité du scrutin ;
Considérant, par suite, que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur le grief tiré de la violation de la loi du 19 juillet 1977 et sur cette distribution de tracts pour annuler l'élection de M. Y... ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs invoqués en première instance ;
Considérant que la circonstance que les affiches électorales du requérant aient eu des dimensions très légèrement supérieures à celles fixées par l'article R. 26-1° du code électoral n'est pas de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin ; que le grief tiré de ce que les dépenses engagées par M. Y... pour la campagne électorale auraient excédé le plafond fixé par le même code n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Nicolas Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé son élection en qualité de conseiller général du canton de Blois III ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner Mme X... à payer à M. Y... la somme de 5 000 F au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 font en revanche obstacle à ce que M. Y..., qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au même titre ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 19 décembre 2000 est annulé.
Article 2 : L'élection de M. Y... en qualité de conseiller général du canton de Blois III est validée.
Article 3 : Mme X... versera à M. Y... la somme de 5 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de Mme X... tendant à la condamnation de M. Y... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Nicolas Y..., à Mme X... et au ministre de l'intérieur.