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05/09/2001 | FRANCE | N°211853

France | France, Conseil d'État, 3 / 8 ssr, 05 septembre 2001, 211853


Vu la requête enregistrée le 27 août 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES ALPES-MARITIMES ; le PREFET DES ALPES-MARITIMES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 30 juillet 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. Saïd X..., son arrêté du 28 juillet 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Saïd X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale du travail n° 108 concernant les pièces d'identité ...

Vu la requête enregistrée le 27 août 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES ALPES-MARITIMES ; le PREFET DES ALPES-MARITIMES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 30 juillet 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. Saïd X..., son arrêté du 28 juillet 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Saïd X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention internationale du travail n° 108 concernant les pièces d'identité nationales des gens de mer, adoptée à Genève le 13 mai 1958 et notamment son article 6 ;
Vu le décret n° 68-204 du 29 février 1968 portant publication de la convention internationale et son annexe visant à faciliter le trafic maritime international, faite à Londres le 9 avril 1965, et le décret n° 78-890 du 9 août 1978 portant publication des amendements à cette annexe ;
Vu le décret n° 93-850 du 15 juin 1993 portant publication de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc portant modification de l'accord du 10 novembre 1983 relatif à la circulation des personnes, signé à Paris le 25 février 1993 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le navire marocain M/V Beauport, qui assure une navette bi-hebdomadaire entre le Maroc et la France, a fait escale à Sète le 27 juillet 1999 de 8h à 19h ; que M. Saïd X..., de nationalité marocaine, cuisinier de ce navire, a été interpellé en gare de Nice au début de l'après midi de ce même jour, déclarant vouloir retourner à bord du Beauport ; que le préfet des Alpes-Maritimes a pris le 28 juillet 1999 un arrêté de reconduite à la frontière, assorti d'une mise en rétention ; que le préfet fait appel du jugement en date du 30 juillet 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, "le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité" ;
Considérant que le chapitre III de l'annexe à la convention de Londres du 9 avril 1965 visant à faciliter le trafic maritime international, publiée par le décret n° 68-204 du 29 février 1968, dans sa rédaction résultant des amendements publiés par le décret n° 78-890 du 9 août 1978, comporte une section F relative aux mesure d'assouplissement des formalités exigées des étrangers membres de l'équipage des navires effectuant des voyages internationaux ; qu'aux termes de la norme 3.19 de cette annexe : "Les étrangers membres de l'équipage sont autorisés par les pouvoirs publics à se rendre à terre pendant l'escale de leur navire, à condition que les formalités d'entrée du navire soient achevées et que les pouvoirs publics ne soient pas conduits à refuser l'autorisation de descendre à terre pour des raisons de santé publique, de sécurité publique ou d'ordre public" ; qu'en vertu des normes 3.19.1 et 3.19.3 les membres de l'équipage n'ont ni à obtenir un visa ni à être munis d'un document spécial, tel qu'un laisser-passer, pour être autorisés à se rendre à terre ; que ces stipulations, qui prévalent eu égard à la date de leur entrée en vigueur, sur celles qu'invoque le préfet, de l'article 6 de la convention internationale du travail du 13 mai 1958 relative aux pièces d'identité des gens de mer publiée par décret du 16 janvier 1968, et auxquelles la France et le Maroc sont également parties, ne limitent pas la zone du territoire où un marin étranger peut se rendre pendant l'escale de son navire ; qu'en outre, selon la pratique recommandée 3.19.4 de la même annexe, "si les membres de l'équipage sont tenus de porter des documents d'identité lorsqu'ils se rendent à terre, ces documents devraient se limiter à ceux qui sont énoncés à la norme 3.10", c'est-à-dire la "pièce d'identité des gens de mer", qui comporte notamment, outre une photo d'identité, les noms et prénoms du marin, sa nationalité, sa date de naissance, la mention de l'autorité publique ayant délivré le document et la date d'expiration de ce dernier ;

Considérant que les stipulations précitées de l'annexe à la convention de Londres faisaient obstacle à ce que fût retenu comme motif de reconduite à la frontière le fait que M. X... n'avait obtenu ni visa d'entrée ni titre de séjour ; qu'en outre, lors de son interpellation, M. X... était porteur d'une "carte d'identité des gens de mer" en cours de validité ; qu'enfin le dossier ne permet pas de mettre en doute les déclarations de M. X... selon lesquelles il s'apprêtait à regagner son navire lorsqu'il fut interpellé ; que dans ces conditions le préfet n'est pas fondé à se plaindre de ce que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté litigieux ;
Article 1er : La requête du PREFET DES ALPES-MARITIMES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES ALPES-MARITIMES, à M. Saïd X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 211853
Date de la décision : 05/09/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - TRAITES ET DROIT DERIVE - CAConvention de Londres du 9 avril 1965 visant à faciliter le trafic maritime international - Possibilité pour les membres de l'équipage d'un navire effectuant des voyages internationaux de se rendre à terre pendant une escale sans avoir à obtenir de visa ou de laisser-passer - Convention prévalant sur les stipulations de l'art - 6 de la convention de l'OIT du 13 mai 1958 relative aux pièces d'identité des gens de mer - Impossibilité d'ordonner la reconduite à la frontière d'un membre de l'équipage au motif qu'il n'a obtenu ni visa d'entrée ni titre de séjour.

01-04-01, 335-03-02-01, 65-06-01 Le chapitre III de l'annexe à la convention de Londres du 9 avril 1965 visant à faciliter le trafic maritime international, publiée par le décret n° 68-204 du 29 février 1968, dans sa rédaction résultant des amendements publiés par le décret n° 78-890 du 9 août 1978, comporte une section F relative aux mesures d'assouplissement des formalités exigées des étrangers membres de l'équipage des navires effectuant des voyages internationaux. Aux termes de la norme 3.19 de cette annexe : "Les étrangers membres de l'équipage sont autorisés par les pouvoirs publics à se rendre à terre pendant l'escale de leur navire, à condition que les formalités d'entrée du navire soient achevées et que les pouvoirs publics ne soient pas conduits à refuser l'autorisation de descendre à terre pour des raisons de santé publique, de sécurité publique ou d'ordre public". En vertu des normes 3.19.1 et 3.19.3 les membres de l'équipage n'ont ni à obtenir un visa ni à être munis d'un document spécial, tel qu'un laisser-passer, pour être autorisés à se rendre à terre. Ces stipulations, qui prévalent eu égard à la date de leur entrée en vigueur, sur celles de l'article 6 de la convention internationale du travail du 13 mai 1958 relative aux pièces d'identité des gens de mer publiée par décret du 16 janvier 1968 ne limitent pas la zone du territoire où un marin étranger peut se rendre pendant l'escale de son navire. En outre, selon la pratique recommandée 3.19.4 de la même annexe, "si les membres de l'équipage sont tenus de porter des documents d'identité lorsqu'ils se rendent à terre, ces documents devraient se limiter à ceux qui sont énoncés à la norme 3.10", c'est-à-dire la "pièce d'identité des gens de mer", qui comporte notamment, outre une photo d'identité, les noms et prénoms du marin, sa nationalité, sa date de naissance, la mention de l'autorité publique ayant délivré le document et la date d'expiration de ce dernier. Les stipulations précitées de l'annexe à la convention de Londres font obstacle à ce que soit retenu comme motif de reconduite à la frontière d'un membre de l'équipage d'un navire effectuant des voyages internationaux le fait que l'intéressé n'a obtenu ni visa d'entrée ni titre de séjour.

ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE - LEGALITE INTERNE - ETRANGERS NE POUVANT FAIRE L'OBJET D'UNE MESURE DE RECONDUITE A LA FRONTIERE - CAMembre de l'équipage d'un navire effectuant des voyages internationaux - Possibilité de se rendre à terre pendant une escale sans avoir à obtenir de visa ou de laisser-passer - Convention de Londres du 9 avril 1965 prévalant sur les stipulations de l'art - 6 de la convention de l'OITdu 13 mai 1958 relative aux pièces d'identité des gens de mer.

TRANSPORTS - TRANSPORTS MARITIMES - PERSONNELS - CAMembre de l'équipage d'un navire effectuant des voyages internationaux - Convention de Londres du 9 avril 1965 - Possibilité de se rendre à terre pendant une escale sans avoir à obtenir de visa ou de laisser-passer - Convention prévalant sur les stipulations de l'art - 6 de la convention de l'OITdu 13 mai 1958 relative aux pièces d'identité des gens de mer - Impossibilité d'ordonner la reconduite à la frontière de l'intéressé au motif qu'il n'a obtenu ni visa d'entrée ni titre de séjour.


Références :

Convention du 09 avril 1965 Londres
Convention internationale du travail du 13 mai 1958 art. 6
Décret du 16 janvier 1968
Décret 68-204 du 29 février 1968
Décret 78-890 du 09 août 1978
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 05 sep. 2001, n° 211853
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Derepas
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:211853.20010905
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