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05/09/2001 | FRANCE | N°222839

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 05 septembre 2001, 222839


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 mai 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé pour excès de pouvoir, à la demande de M. Freddy Alain X..., l'arrêté du 6 mai 2000 du PREFET DE L'ESSONNE ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegard...

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 mai 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé pour excès de pouvoir, à la demande de M. Freddy Alain X..., l'arrêté du 6 mai 2000 du PREFET DE L'ESSONNE ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi de finances pour 1994 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabre-Aubrespy, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité congolaise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 6 mai 1999, de l'arrêté par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par le PREFET DE L'ESSONNE à la demande de première instance :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, et notamment de celles des articles 22 et 22 bis qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours et imposent pour la présentation et le jugement de ce recours des délais particuliers, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse applicables en la matière ; que, dans ces conditions, les dispositions de la loi de finances pour 1994 n'ont pu, dès lors qu'elles ne l'ont pas expressément prévu, rendre applicable aux requêtes présentées devant les tribunaux administratifs et dirigées contre les arrêtés de reconduite à la frontière le droit de timbre qu'elles ont institué ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué et qu'il n'est pas contesté que M. X... a exposé oralement à l'audience du tribunal administratif, dans le délai de recours contentieux, les motifs qui fondaient son recours contre l'arrêté du 6 mai 2000 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE n'est pas fondé à soutenir que la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles était irrecevable pour défaut de production du timbre fiscal et pour absence de motivation ;
Au fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que M. X..., entré en France à l'âge de 19 ans et y vivant depuis plus de huit ans en situation régulière, y a épousé une ressortissante congolaise dont il a eu un enfant né en 1999 ; que ses deux soeurs sont de nationalité française et que sa famille proche réside régulièrement en France ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE en date du 6 mai 2000 a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a donc méconnu les stipulations de l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 6 mai 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : La requête du PREFET DE L'ESSONNE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ESSONNE, à M. Freddy Alain X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 222839
Date de la décision : 05/09/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE - LEGALITE INTERNE - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - FORMES DE LA REQUETE - DROIT DE TIMBRE.


Références :

Arrêté du 06 mai 2000
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 22 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 05 sep. 2001, n° 222839
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Fabre-Aubrespy
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:222839.20010905
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