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15/10/2001 | FRANCE | N°219883

France | France, Conseil d'État, 1 / 2 ssr, 15 octobre 2001, 219883


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 13 juin 2000, présentés pour Mme Paule Y..., demeurant au Parc de la Chênaie, bâtiment D, à Ajaccio (20000) ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de l'arrêt du 20 janvier 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 19 mars 1998 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé le certificat d'urbanisme délivré le 3 septembre 1996 à la société Orazzi et à M. Félix X... par le maire d'Ajaccio ains

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 13 juin 2000, présentés pour Mme Paule Y..., demeurant au Parc de la Chênaie, bâtiment D, à Ajaccio (20000) ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de l'arrêt du 20 janvier 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 19 mars 1998 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé le certificat d'urbanisme délivré le 3 septembre 1996 à la société Orazzi et à M. Félix X... par le maire d'Ajaccio ainsi que le permis de construire accordé à ladite société par arrêté du 24 juin 1997 ;
2°) d'annuler cet arrêt ;
3°) de condamner M. X... et la commune d'Ajaccio à lui verser la somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eoche-Duval, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Bouthors, avocat de Mme Y... et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur à la date à laquelle a été rendu l'arrêt attaqué : "Toute partie doit être avertie, par une notification faite conformément aux articles R. 139 et R. 140 du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. Dans les deux cas, l'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience ( ...)" ; et qu'en vertu des dispositions des articles R. 139 et 140 du même code, les notifications des avis d'audience sont obligatoirement effectuées au moyen de lettres recommandées avec demande d'avis de réception ou, en cas de notification dans la forme administrative, avec récépissé ou procès-verbal de la notification par l'agent qui l'a faite ;
Considérant que, si l'avis informant Mme Y... de la date de l'audience de la cour administrative d'appel de Marseille a été envoyé par lettre recommandée le 17 décembre 1999, il n'a été reçu par son destinataire que postérieurement à l'audience qui s'est tenue le 6 janvier 2000 ; que, s'il est constant qu'à la date de l'envoi des troubles graves affectaient depuis le 6 octobre 1999 la distribution postale en Corse en raison d'un mouvement de grève, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme Y... ait été avertie de la date de l'audience par d'autres moyens que l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que, dans ces conditions, Mme Y... est fondée à soutenir que les prescriptions de l'article R. 193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ont été méconnues ; que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 20 janvier 2000 doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions de la commune d'Ajaccio :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, repris par l'article R. 811-2 du code de justice administrative : "Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R. 211. Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue" ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du tribunal administratif de Bastia a été notifié à la commune d'Ajaccio, dans les conditions prévues à l'article R. 211 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le 2 avril 1998 ; que la requête de la commune d'Ajaccio dirigée contre ce jugement n'a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille que le 22 juin 1998, soit après l'expiration du délai de deux mois imparti pour faire appel par l'article R. 229 du même code ; que, dès lors, cette requête n'est pas recevable ;
Sur les conclusions de M. X... :
Considérant, d'une part, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme : "Le plan d'occupation des sols doit classer en espaces boisés, au titre de l'article L.130-1 du présent code, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après consultation de la commission départementale des sites" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la parcelle d'assiette du projet immobilier pour lequel le maire de la commune d'Ajaccio a délivré à la société Orazzi et à M. X... le certificat d'urbanisme positif et le permis de construire attaqués est comprise dans un secteur urbanisé, situé à proximité de la route nationale n° 193, caractérisé par l'existence de plusieurs immeubles à usage d'habitat collectif et desservi par les équipements publics ; que si cette parcelle comporte, dans sa partie sud, sur une superficie d'environ 8 200 m sur 15 223 m, un boisement constitué de chênes-lièges et de mimosas, celui-ci ne peut être regardé, eu égard à la configuration des lieux, qui constituent une zone d'habitats collectifs, et au caractère de son boisement par rapport à d'autres espaces boisés de la commune d'Ajaccio, comme faisant partie des parcs et ensembles boisés les plus significatifs au sens de l'article L. 146-6 précité, que l'autorité communale était tenue de classer au titre de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 146-2 du code de l'urbanisme, les plans d'occupation des sols doivent prévoir "des espaces naturels présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation" ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en estimant que la parcelle en cause ne pouvait être regardée comme un espace naturel présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation au sens des dispositions précitées de l'article L. 146-2 du code de l'urbanisme et en classant cette parcelle en zone UC 6 dans le plan d'occupation des sols, l'autorité communale n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler le certificat d'urbanisme et le permis de construire attaqués, le tribunal administratif de Bastia retenant l'unique moyen présenté par Mme Y..., s'est fondé sur ce que le classement par le plan d'occupation des sols d'Ajaccio de la parcelle sur laquelle doit être édifié l'ensemble immobilier litigieux méconnaissait les dispositions des articles L. 130-1 et L. 146-2 du code de l'urbanisme ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter les demandes de Mme Y... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, reprises par celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X... et la commune d'Ajaccio, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, soient condamnés à payer à Mme Y... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner Mme Y... à payer à M. X... une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt en date du 20 janvier 2000 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 19 mars 1998 sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme Y... devant le tribunal administratif de Bastia et le surplus des conclusions de sa requête au Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La requête présentée par la commune d'Ajaccio devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.
Article 4 : Mme Y... versera à M. X... une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Paule Y..., à M. Félix X..., à la commune d'Ajaccio et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 1 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 219883
Date de la décision : 15/10/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

URBANISME et AMENAGEMENT CERTIFICAT D'URBANISME


Références :

Code de justice administrative L821-2, R811-2, L761-1
Code de l'urbanisme L146-6, L130-1, L146-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R193, R139, 140, R229, R211
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 15 oct. 2001, n° 219883
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eoche-Duval
Rapporteur public ?: Mme Boissard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:219883.20011015
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