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24/10/2001 | FRANCE | N°212634

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 24 octobre 2001, 212634


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 20 septembre 1999 et 4 juillet 2000, présentés pour M. Mohamed Y..., demeurant au centre de détention de Lorient, route de Larmor-Plage, à Lorient-Plomeur (56275) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'ordonnance en date du 28 juin 1999 du président de la cour administrative d'appel de Nantes rejetant son appel contre le jugement du 10 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annul

ation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet du Morbihan du...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 20 septembre 1999 et 4 juillet 2000, présentés pour M. Mohamed Y..., demeurant au centre de détention de Lorient, route de Larmor-Plage, à Lorient-Plomeur (56275) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'ordonnance en date du 28 juin 1999 du président de la cour administrative d'appel de Nantes rejetant son appel contre le jugement du 10 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet du Morbihan du 23 juillet 1998 ordonnant son expulsion du territoire français, d'autre part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté ;
2°) annule pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Morbihan du 23 juillet 1998 ordonnant son expulsion du territoire français ;
3°) condamne l'Etat à verser à la SCP Parmentier Didier une somme de 7 000 F au titre des articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. Mohamed Y...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "La requête concernant toute affaire sur laquelle le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel est appelé à statuer doit contenir l'exposé des faits et des moyens, les conclusions, nom et demeure des parties./ L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une requête enregistrée le 5 mars 1999 et un mémoire complémentaire enregistré le 6 mars 1999, M. Y... a demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler le jugement du 10 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Rennes avait rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 23 juillet 1998 par le préfet du Morbihan ; que sa requête se prévalait de ce que l'expulsion ordonnée le séparerait de son épouse et de sa fille qui ne peuvent pas quitter le territoire français ; que, si elle était rédigée en des termes succincts et maladroits, elle formulait ainsi un moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en rejetant cette requête comme non recevable faute de contenir l'énoncé d'aucun moyen, le président de la cour administrative d'appel en a dénaturé les termes ; que M. Y... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : "Sous réserve des dispositions de l'article 25, l'expulsion peut être prononcée si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... a été condamné le 3 octobre 1989, sous l'identité de M. Rachid X..., à 4 ans d'emprisonnement pour cession de stupéfiants par le tribunal correctionnel de Nice ; qu'entre le 1er janvier 1994 et le 6 juin 1995, il s'est rendu coupable de cession, détention, transport et acquisition illégale de stupéfiants et a été condamné à une peine de 7 ans d'emprisonnement et à l'interdiction définitive du territoire français par un jugement du tribunal correctionnel de Rennes en date du 6 mai 1996 ;

Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;
Considérant que, si les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent en aucun cas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Morbihan n'ait pas examiné l'ensemble des éléments relatifs au comportement de M. Y... afin de déterminer si, après les infractions commises par ce dernier en 1989 et de 1994 à 1995, sa présence sur le territoire français constituait ou non une menace grave pour l'ordre public ; qu'en estimant que la présence en France de M. Y... constituait une menace grave pour l'ordre public le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que si M. Y... était, à la date de l'arrêté attaqué, marié et père d'un enfant de nationalité française et si son épouse, qui avait un enfant d'un autre père, ne pouvait pas quitter le territoire français, la mesure d'expulsion prise à son encontre n'a pas, eu égard à la nature et à la gravité des faits qui lui sont reprochés, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 juillet 1998 par lequel le préfet du Morbihan a ordonné son expulsion du territoire français ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle pour défendre M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 28 juin 1999 est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. Y... devant la cour administrative d'appel de Nantes et le surplus de ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed Y... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 212634
Date de la décision : 24/10/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

335-02 ETRANGERS - EXPULSION.


Références :

Arrêté du 23 juillet 1998
Code de justice administrative L821-2, L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R87
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 37
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 23


Publications
Proposition de citation : CE, 24 oct. 2001, n° 212634
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Vialettes
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:212634.20011024
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