Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 janvier 2001, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 novembre 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 août 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Rachida X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lévy, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 23 août 1999, de l'arrêté du 18 août 1999 par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., âgée de 47 ans, est entrée en France en 1989 ; qu'elle a élevé, d'abord en Algérie puis en France, les quatre enfants de son oncle qui la prend en charge ; que ceux-ci constituent sa famille la plus proche ; qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'elle n'a plus de vraies attaches familiales ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté du 18 août 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... doit être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnu, par suite, les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 août 1999 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à Mme X... la somme de 6 000 F que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser une somme de 6 000 F à Mme X... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Rachida X... et au ministre de l'intérieur.