Vu la requête, enregistrée le 28 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 mars 2000 décidant la reconduite à la frontière de M. Yves Keny X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pignerol, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité haïtienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 8 juin 1999, de l'arrêté du même jour par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., dont l'éducation avait été d'abord prise en charge dans son pays d'origine par sa grand-mère qui constituait sa seule attache sur le territoire haïtien, est arrivé en France en 1996, à l'âge de 15 ans pour y rejoindre sa mère qui y réside depuis 1985 et est titulaire d'une carte de résident ; que l'intéressé a été scolarisé en France dès son arrivée et était engagé, à la date de la décision attaquée, dans une formation professionnelle ; que sa mère est la seule personne de sa famille susceptible de subvenir à ses besoins et de lui permettre de terminer ses études ; que, dans les circonstances de l'espèce, bien qu'il ait été majeur à la date à laquelle le PREFET DE POLICE a refusé de lui accorder un titre de séjour, cette décision a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaît, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'arrêté du 24 mars 2000 décidant sa reconduite à la frontière sur le fondement de cette décision illégale est lui-même illégal ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ledit arrêté ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Yves Keny X... et au ministre de l'intérieur.