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21/11/2001 | FRANCE | N°209028

France | France, Conseil d'État, 4 / 6 ssr, 21 novembre 2001, 209028


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin, 20 juillet, 3 août 1999, 11 février, 11 avril et 19 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par et pour M. Ahmed Y..., élisant domicile chez Me Yves X..., ... ; M. Y... demande l'annulation de l'arrêt en date du 3 mai 1999 de la cour administrative d'appel de Lyon qui, d'une part, sur l'appel interjeté par l'université Joseph Fourier de Grenoble a annulé le jugement rendu le 2 mars 1998 par le tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il lui allouait une indemnité de 10

000 F pour préjudice moral et, d'autre part, a rejeté l'appel ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin, 20 juillet, 3 août 1999, 11 février, 11 avril et 19 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par et pour M. Ahmed Y..., élisant domicile chez Me Yves X..., ... ; M. Y... demande l'annulation de l'arrêt en date du 3 mai 1999 de la cour administrative d'appel de Lyon qui, d'une part, sur l'appel interjeté par l'université Joseph Fourier de Grenoble a annulé le jugement rendu le 2 mars 1998 par le tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il lui allouait une indemnité de 10 000 F pour préjudice moral et, d'autre part, a rejeté l'appel qu'il avait lui-même introduit contre ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université à lui verser une somme de 500 000 F en réparation du préjudice de carrière qu'il estime avoir subi, avec intérêts de droit à compter de sa réclamation préalable et capitalisation des intérêts déjà échus ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur ;
Vu l'arrêté interministériel du 30 mars 1992 relatif aux études de troisième cycle ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dumortier, Auditeur,
- les observations de Me Capron, avocat de M. Y... et de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de l'université Joseph Fourier,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que M. Y..., qui était inscrit pour poursuivre les travaux d'une thèse à partir de l'année universitaire 1991-1992 à l'université Joseph Fourier (UJF), a obtenu de l'université l'engagement d'être réinscrit en doctorat d'université sur un nouveau sujet de thèse à partir de l'année universitaire 1994-1995, dans le cadre des dispositions de l'article 23 de l'arrêté susvisé du 30 mars 1992 recommandant une durée de préparation du doctorat de trois années ; que toutefois, le président de l'université a décidé le 10 juillet 1995 de fermer le laboratoire de physique des plasmas et a affecté le responsable de ce laboratoire qui dirigeait la thèse de M. Y..., dans un autre établissement jusqu'à ce qu'il soit admis au bénéfice de la retraite en 1996 ; que ce dernier a indiqué le 2 octobre 1995 qu'il n'était plus en mesure de poursuivre l'encadrement des travaux de M. Y... ; que l'intéressé a demandé réparation du préjudice résultant de l'interruption de ses études de troisième cycle ; que cette demande a été rejetée par une décision du président de l'université du 23 mai 1996 ;
Considérant que, pour rejeter la demande de M. Y... tendant à l'annulation de la décision précitée du président de l'université, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur ce qu'il "ne justifiait pas d'une obligation non sérieusement contestable de l'université Joseph Fourier à son égard" dès lors qu'il n'établissait pas de lien suffisant entre la fermeture du laboratoire et la décision de son directeur de thèse de cesser d'encadrer ses travaux ; qu'elle a ainsi omis de répondre au moyen tiré par le requérant de ce qu'il avait obtenu en 1994 l'autorisation d'entamer une nouvelle thèse sur trois ans au sein de l'université et de ce que cette autorisation était constitutive d'un engagement à le réinscrire en doctorat jusqu'à la fin de l'année 1996-1997 ; que, par suite, M. Y... est fondé à soutenir que l'arrêt attaqué est insuffisamment motivé et en à demander pour ce motif l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la décision du 10 juillet 1995 du président de l'université de fermer le laboratoire de physique des plasmas serait entachée d'illégalité ; que cette décision n'était pas en elle-même de nature à faire obstacle à la poursuite des travaux de M. Y... en vue de la préparation de sa thèse, dont il n'est pas contesté qu'elle était essentiellement théorique et ne nécessitait pas de disposer de matériel particulier ; que M. Y... n'établit pas non plus que la décision de son directeur de thèse de cesser de diriger ses travaux à la rentrée universitaire 1995 aurait présenté un lien direct et certain avec la fermeture du laboratoire ; qu'il n'est ainsi et en tout état de cause pas fondé à soutenir que l'université aurait commis une faute en fermant en 1995 le laboratoire de physique des plasmas ;
Considérant cependant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... avait sollicité et obtenu en 1994 de l'université Joseph Fourier une inscription en thèse dans le cadre de l'article 23 de l'arrêté du 30 mars 1992 relatif aux études de troisième cycle prévoyant une durée de préparation de trois années pour un doctorat ; qu'il avait en conséquence entamé des travaux en vue de l'obtention de son doctorat à la fin de l'année universitaire 1996-1997 ; qu'en ne le réinscrivant pas jusqu'au terme de ces trois années, alors même qu'elle l'avait assuré à plusieurs reprises qu'il lui serait possible de soutenir sa thèse, l'université Joseph Fourier a ainsi rompu sans motif l'engagement qu'elle avait pris à son égard ; qu'elle n'est par suite pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas commis de faute ;
Considérant que cette faute a été de nature à causer à M. Y... un préjudice moral dès lors qu'il a dû abandonner ses travaux de recherche en 1996 et a perdu le bénéfice de son inscription à l'université ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que M. Y... aurait ainsi perdu une chance sérieuse d'obtenir un doctorat en physique au terme des trois nouvelles années de recherches entamées ; qu'il n'établit pas non plus de ce fait qu'il aurait subi un préjudice quant au déroulement de sa carrière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'université Joseph Fourier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a estimé que la rupture de son engagement par ladite université a causé à M. Y... un préjudice moral ; que, dans les circonstances de l'affaire, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait inexactement apprécié la réparation qui lui était due en condamnant l'université Joseph Fourier à lui verser une indemnité de 10 000 F, y compris tous intérêts échus au jour du jugement ;
Sur les conclusions en cause d'appel tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux demandes présentées en appel par M. Y... et par l'université Joseph Fourier tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de l'université Joseph Fourier tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Y... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'université Joseph Fourier la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 3 avril 1998 est annulé.
Article 2 : Les appels du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 mars 1998 interjetés respectivement par M. Y... et par l'université Joseph Fourier de Grenoble sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de l'université Joseph Fourier tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Ahmed Y..., au président de l'université Joseph Fourier et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Formation : 4 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 209028
Date de la décision : 21/11/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET GRANDES ECOLES - UNIVERSITES.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MORAL.


Références :

Arrêté du 30 mars 1992 art. 23
Code de justice administrative L821-2, L761-1
Instruction du 10 juillet 1995


Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2001, n° 209028
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dumortier
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:209028.20011121
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