Vu la requête, enregistrée le 7 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'EURE-ET-LOIR ; le PREFET D'EURE-ET-LOIR demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 19 juillet 2000 en tant que par le jugement attaqué le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 23 juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Amrane X... ;
2°) rejette la demande présentée devant ce tribunal par M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Hédary, Auditeur,
- les observations de la SCP Boulloche, Boulloche, avocat de la M. Amrane X...,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Amrane X..., qui est de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire national plus d'un mois à compter de la notification, le 12 avril 2000, de l'arrêté du 5 avril 2000 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi, lorsqu'a été pris l'arrêté du 23 juin 2000 dans le cas où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que M. X... soutient avoir fait l'objet de menaces en raison de ses activités professionnelles de musicien et d'exploitant d'une salle de jeux et être exposé à des risques tenant à ce qu'il était originaire de la région de Kabylie ; que, toutefois, les documents qu'il produit n'établissent pas qu'il aurait directement fait l'objet de menaces en raison de sa participation temporaire à un orchestre d'animation musicale ou de son activité d'exploitation d'une salle de jeux électroniques, ni qu'il serait personnellement exposé à des risques en cas de retour dans le pays dont il a la nationalité ; que, d'ailleurs, le ministre de l'intérieur a rejeté le 27 mars 2000 la demande d'asile territorial qu'avait formée l'intéressé ; qu'en outre, si M. X... a un frère demeurant en France, il est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; que, par suite, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce et à la brièveté du séjour en France de M. X... qui n'y est entré que le 1er septembre 1999, l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière et pouvant être regardé, dans les termes dans lesquels il est rédigé, comme fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite, n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors, le PREFET D'EURE-ET-LOIR est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur ce motif ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X... à l'appui de sa demande de première instance ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le PREFET D'EURE-ET-LOIR à la demande de M. X... ;
Considérant que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... a été signé par M. Y... Richard, secrétaire général de la préfecture, régulièrement habilité par une délégation en date du 7 avril 1999 publiée au registre des actes administratifs ;
Considérant que l'arrêté, qui énonce l'ensemble des considérations de droit et de fait qui le fonde, est suffisamment motivé et a été pris au terme d'une procédure régulière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945, la décision fixant le pays de renvoi est distincte de celle ordonnant la reconduite à la frontière ; que, dès lors, M. X..., qui d'ailleurs soutient également que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière doit être regardé comme désignant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite, n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que le PREFET D'EURE-ET-LOIR aurait commis une erreur de droit en n'ayant pas notifié en même temps que l'arrêté de reconduite la décision fixant le pays de renvoi ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. X... n'établit pas être exposé à des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 28 juin 2000 en tant qu'il désigne l'Algérie comme pays de destination de la reconduite méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET D'EURE-ET-LOIR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 23 juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 19 juillet 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant ce tribunal ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET D'EURE-ET-LOIR, à M. Amrane X... et au ministre de l'intérieur.