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28/11/2001 | FRANCE | N°223515;223516

France | France, Conseil d'État, 9 ss, 28 novembre 2001, 223515 et 223516


Vu 1°), sous le n° 223515, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 juillet 2000, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 mars 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 décembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Z... Wang épouse X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Z... Wang épouse X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu 2°), sous le

n° 223516, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Et...

Vu 1°), sous le n° 223515, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 juillet 2000, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 mars 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 décembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Z... Wang épouse X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Z... Wang épouse X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu 2°), sous le n° 223516, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 juillet 2000, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 mars 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 décembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A... Chen ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... Chen devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées du PREFET DE POLICE présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. X... et Mme Wang épouse X..., son épouse, de nationalité chinoise, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 24 juin 1998, des décisions du 18 juin 1998 par lesquelles le PREFET DE POLICE leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ils se trouvaient ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'à l'appui de leur demande d'annulation des arrêtés ordonnant leur reconduite à la frontière, M. et Mme X..., entrés tous deux irrégulièrement sur le territoire français, ont fait valoir qu'ils vivent en France respectivement depuis 1994 et 1995, qu'ils ont deux enfants dont le second est né en France en 1998, qu'ils sont dénués de toute attache familiale dans leur pays d'origine et que la soeur de M. X... réside en France dans des conditions régulières ; qu'en l'espèce, et en l'absence de toute circonstance mettant les époux dans l'impossibilité d'emmener leurs enfants avec eux, ces arrêtés n'ont pas, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, porté au droit des intéressés au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler les arrêtés attaqués, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'ils méconnaissaient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que, par arrêté du 22 juin 1998, régulièrement publié au bulletin municipal officiel du 3 juillet 1998, le PREFET DE POLICE a donné à M. Jean-François Y..., directeur de la police générale, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. Y... n'aurait pas été compétent pour signer les arrêtés attaqués doit être écarté ;

Considérant que les arrêtés attaqués, qui comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions de reconduite à la frontière, sont suffisamment motivés ;
Considérant qu'à la date à laquelle M. et Mme X... ont demandé l'annulation des arrêtés ordonnant leur reconduite à la frontière, soit le 15 janvier 1999, les décisions du PREFET DE POLICE leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, qu'ils n'ont pas contestées dans le délai du recours contentieux, étaient devenues définitives ; qu'ils ne sont, dès lors, pas recevables à exciper de leur illégalité ; qu'au surplus, et en tout état de cause, ces arrêtés n'ayant pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, porté à leur droit au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris, ils ne sont pas fondés à se prévaloir des dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 ; qu'ils ne peuvent davantage utilement se prévaloir de la circulaire du 24 juin 1997, qui est dépourvue de caractère réglementaire ;
Considérant que si M. et Mme X... exposent qu'ils sont pris en charge par des personnes régulièrement installées en France et disposent d'une promesse d'embauche au cas où leur situation viendrait à être régularisée, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder les arrêtés attaqués comme entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces mesures sur la situation personnelle des intéressés ;
Considérant que les arrêtés attaqués prévoient que M. et Mme X... seront reconduits à destination de la Chine, pays dont ils ont la nationalité ; que si M. X..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a, d'ailleurs, été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par la commission des recours des réfugiés, fait valoir que son retour en Chine l'exposerait à des persécutions politiques, notamment en raison de la sympathie qu'il aurait manifestée en 1995 à des mouvements qualifiés de contre-révolutionnaires par les autorités chinoises, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, au demeurant contradictoires avec l'affirmation de sa présence continue en France depuis 1994 ; que le moyen tiré de ce que les arrêtés ordonnant sa reconduite en Chine ainsi que celle de son épouse méconnaîtraient les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, être accueilli ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que l'arrêté ordonnant une reconduite à la frontière fixe également le pays à destination duquel l'intéressé doit être reconduit ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le PREFET DE POLICE était tenu de désigner le pays de destination de M. et Mme X... par une décision indépendante devant leur être notifiée séparément ne peut être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation des jugements du 27 mars 2000 par lesquels le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X... et désignant la Chine comme leur pays de destination ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. et Mme X... les sommes qu'ils demandent pour un montant global de 10 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les jugements du 27 mars 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées devant le tribunal administratif de Paris par M. X... et par Mme Wang épouse X... sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme X... présentées devant le Conseil d'Etat et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. A... Chen, à Mme Z... Wang épouse X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 9 ss
Numéro d'arrêt : 223515;223516
Date de la décision : 28/11/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 22 juin 1998
Circulaire du 24 juin 1997
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2001, n° 223515;223516
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mahé
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:223515.20011128
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