Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Ewassa X..., épouse Y..., demeurant ... ; Mme X..., épouse Y..., demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 février 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2000 par lequel le préfet de l'Essonne a ordonné sa reconduite à la frontière ;
2°) d'enjoindre à l'administration, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ;
3°) de condamner l'Etat au paiement des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olléon, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., épouse Y..., de nationalité congolaise (République démocratique du Congo), s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 20 janvier 1999, de la décision du 4 janvier 1999 par laquelle le préfet de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., épouse Y... est entrée sur le territoire français le 2 novembre 1990 ; qu'elle y réside depuis cette date avec M. Y..., qu'elle a épousé en France le 28 février 1998 et qui, occupant un emploi d'ouvrier sérigraphe dans une entreprise située à Longjumeau (Essonne) depuis le 11 septembre 1989, est titulaire d'une carte de résident valable du 23 avril 1993 au 22 avril 2003 ; que Mme X..., épouse Y... fait l'objet depuis 1992 d'un traitement contre la stérilité qui lui est dispensé dans des hôpitaux parisiens ; qu'ainsi, eu égard aux circonstances de l'espèce, à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme X..., épouse Y..., l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressée porte à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise ; que Mme X..., épouse Y... est, dès lors, fondée à soutenir que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X..., épouse Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2000 par lequel le préfet de l'Essonne a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que s'il incombe à l'administration de ne pas méconnaître l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la présente décision, qui annule l'arrêté du 10 février 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X..., épouse Y..., son exécution n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour ; que les conclusions de Mme X..., épouse Y... tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent, dès lors, être accueillies ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que si Mme X..., épouse Y... demande que l'Etat soit condamné à lui rembourser les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, elle n'assortit cette demande d'aucune précision chiffrée ; que cette demande est, par suite, irrecevable ;
Article 1er : Le jugement du 22 février 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles, ensemble l'arrêté du 10 février 2000 du préfet de l'Essonne ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X..., épouse Y... sont annulés.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction et les conclusions présentées par Mme X..., épouse Y... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Ewassa X..., épouse Y..., au préfet de l'Essonne et au ministre de l'intérieur.