Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 janvier 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 décembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mahamadou X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le PREFET DE POLICE peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité gambienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 9 juin 1998, de l'arrêté du 4 juin 1998 par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, susvisée, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur les conclusions aux fins de non lieu présentées par M. X... :
Considérant que si, après l'annulation par le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière pris le 2 décembre 1998 à l'encontre de M. X..., une autorisation provisoire de séjour a été remise au requérant le 7 novembre 2000 en application du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, cette autorisation a seulement pour effet de régulariser la situation de l'intéressé jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ; que, par suite, le moyen tiré par le requérant de ce que la délivrance d'un titre de séjour aurait rendu sans objet l'appel du préfet de police, doit être écarté ;
Sur l'appel du PREFET DE POLICE :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. X... soutient qu'il séjourne en France depuis 1989 et y a travaillé, il ne justifie ni de l'exercice d'une activité professionnelle depuis 1996, ni même d'une promesse d'embauche à la date de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ; qu'il est hébergé chez un tiers dans un foyer de travailleurs migrants ; que s'il affirme avoir tissé en France des liens affectifs, personnels et professionnels, il n'en justifie pas ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une mesure de reconduite à la frontière sur la situation personnelle de l'intéressé ; que, par suite, c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X... était entaché d'une telle erreur pour en prononcer l'annulation ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que, par un arrêté du 22 juin 1998, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, le PREFET DE POLICE a donné à M. Y..., chargé de mission auprès du directeur de la police générale, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière en cas d'absence ou d'empêchement du directeur ou du sous-directeur de la police générale ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;
Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même" ; que cette disposition n'implique pas que l'indication du pays de destination doive figurer dans une décision matériellement distincte de l'arrêté de reconduite à la frontière lui-même ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 29 janvier 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 décembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer la somme que demande la SCP L. Parmentier et H. Didier ;
Article 1er : Le jugement du 29 janvier 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. X... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la SCP L. Parmentier et H. Didier présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Mahamadou X... et au ministre de l'intérieur.