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30/11/2001 | FRANCE | N°233327

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 30 novembre 2001, 233327


Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SA KERRY, dont le siège social est ... ; la SA KERRY demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'ordonnance du 13 avril 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 12 décembre 2000 par lequel le préfet de Paris a déclaré d'utilité publique l'acquisition par la ville de Paris d'un immeuble sis ... et déclaré cet immeuble immédiatement cessible ;
2°) ordon

ne la suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral en date du 12 décembr...

Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SA KERRY, dont le siège social est ... ; la SA KERRY demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'ordonnance du 13 avril 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 12 décembre 2000 par lequel le préfet de Paris a déclaré d'utilité publique l'acquisition par la ville de Paris d'un immeuble sis ... et déclaré cet immeuble immédiatement cessible ;
2°) ordonne la suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral en date du 12 décembre 2000 ;
3°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la SA KERRY et de Me Foussard, avocat de la ville de Paris,
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a, par arrêté en date du 12 décembre 2000, déclaré d'utilité publique l'expropriation d'un immeuble sis ... (10ème) appartenant à la SA KERRY, en vue de sa démolition, en application de la procédure d'urgence définie par l'article 14 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970, tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre, aux termes duquel : " ... le préfet, par arrêté, déclare d'utilité publique l'expropriation des immeubles ... après avoir constaté qu'ils ont fait l'objet ... de l'interdiction d'habiter prévue à l'article L. 28" du code de la santé publique ; que la SA KERRY défère au juge de cassation l'ordonnance du 13 avril 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'arrêté du 12 décembre 2000 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;
Considérant qu'il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir apprécié la condition de l'urgence en procédant à l'examen de l'intérêt et des besoins de la société requérante, éclairés notamment par les indications données par elle dans son pourvoi, mais aussi en analysant l'intérêt public de la décision dont la suspension était demandée, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article L. 521-1 précité ;
Mais considérant qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications apportées par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; qu'il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence ;

Considérant que, pour décider de rejeter la demande dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif de Paris s'est fondé, d'une part, sur la circonstance que l'exécution de l'arrêté du préfet de Paris déclarant d'utilité publique l'expropriation de l'immeuble dont elle était propriétaire n'était pas dénuée de conséquences pour la SA KERRY, dont l'intention était d'aménager les locaux et qui avait demandé à cette fin, sans succès, auprès de l'autorité administrative le concours de la force publique pour l'exécution de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 6 mai 1999 décidant, avec un délai de huit mois, l'expulsion des résidents qui occupaient l'immeuble sans droit ni titre ; qu'il s'est fondé, d'autre part, sur la circonstance que l'état des locaux, tant du point de vue de la construction, ce qui avait d'ailleurs conduit le préfet de police à décider des interdictions partielles d'habiter, antérieurement et postérieurement à l'acquisition de l'immeuble par la société requérante, que du point de vue sanitaire pour les occupants, rendait urgente la démolition de l'immeuble, et sur le fait que la suspension de l'arrêté du 12 décembre 2000 aurait placé les autorités de police dans l'incapacité de remédier d'urgence à ce double péril grave pour les occupants :
Considérant qu'en prenant ainsi en considération tant les intérêts de la SA KERRY que la situation résultant de l'occupation d'un immeuble vétuste dont l'occupation illégale était périlleuse pour ses résidents, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, qui s'est livré, sur les faits qui lui étaient soumis, à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, a tenu compte de manière globale et objective des circonstances de l'espèce et a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative relatives à la condition de l'urgence ; que cette dernière n'étant pas remplie, le juge des référés a pu fonder sa décision sur ce seul motif, sans rechercher si la seconde condition, tenant à l'existence d'un moyen de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du 12 décembre 2000, était satisfaite ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance en date du 13 avril 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la SA KERRY la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société requérante à verser à la ville de Paris la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la SA KERRY est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SA KERRY, à la ville de Paris et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 233327
Date de la décision : 30/11/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Référé

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - REGIMES SPECIAUX - EXPROPRIATION D'URGENCE - CAArrêté déclarant d'utilité publique l'expropriation d'un immeuble en vue de sa démolition - Demande de suspension en référé - Conditions d'octroi de la mesure demandée - Urgence - Mode d'appréciation par le juge des référés.

34-03-01, 54-03 Préfet ayant, par arrêté, déclaré d'utilité publique l'expropriation d'un immeuble en vue de sa démolition, en application de la procédure d'urgence définie par l'article 14 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970, tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre, aux termes duquel : "... le préfet, par arrêté, déclare d'utilité publique l'expropriation des immeubles... après avoir constaté qu'ils ont fait l'objet... de l'interdiction d'habiter prévue à l'article L. 28" du code de la santé publique. Propriétaire de l'immeuble ayant demandé au juge des référés d'ordonner la suspension de cet arrêté. Pour décider de rejeter la demande dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif s'est fondé, d'une part, sur la circonstance que l'exécution de l'arrêté du préfet de déclarant d'utilité publique l'expropriation de l'immeuble n'était pas dénuée de conséquences pour son propriétaire, dont l'intention était d'aménager les locaux et qui avait demandé à cette fin, sans succès, auprès de l'autorité administrative le concours de la force publique pour l'exécution d'une ordonnance du président du tribunal de grande instance décidant l'expulsion des résidents qui occupaient l'immeuble sans droit ni titre. Il s'est fondé, d'autre part, sur la circonstance que l'état des locaux, tant du point de vue de la construction, ce qui avait d'ailleurs conduit le préfet à décider des interdictions partielles d'habiter, antérieurement et postérieurement à l'acquisition de l'immeuble par la société requérante, que du point de vue sanitaire pour les occupants, rendait urgente la démolition de l'immeuble, et sur le fait que la suspension de l'arrêté du 12 décembre 2000 aurait placé les autorités de police dans l'incapacité de remédier d'urgence à ce double péril grave pour les occupants. En prenant ainsi en considération tant les intérêts du propriétaire que la situation résultant de l'occupation d'un immeuble vétuste dont l'occupation illégale était périlleuse pour ses résidents, le juge des référés du tribunal administratif a tenu compte de manière globale et objective des circonstances de l'espèce et a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative relatives à la condition de l'urgence.

PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE - CARéféré-suspension (article L - 521-1 du code de justice administrative) - Conditions d'octroi de la mesure de suspension demandée - Urgence - Mode d'appréciation par le juge des référés - Balance des intérêts - Cas d'un arrêté déclarant d'utilité publique l'expropriation d'un immeuble en vue de sa démolition.


Références :

Arrêté du 12 décembre 2000
Code de justice administrative L521-1, L761-1
Loi 70-612 du 10 juillet 1970 art. 14


Publications
Proposition de citation : CE, 30 nov. 2001, n° 233327
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Bereyziat
Rapporteur public ?: Mme Mignon

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:233327.20011130
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