Vu la requête, enregistrée le 17 février 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 16 novembre 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 novembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Khaled X...
Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 7 juillet 1998 de l'arrêté du 2 juillet 1998 par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas ou, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant cependant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prise par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... réside en France depuis 1991 ; que sa famille est venue l'y rejoindre en 1996 ; qu'à la date de l'arrêté attaqué l'un de ses enfants était scolarisé depuis 3 ans en France ; que dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à l'ancienneté du séjour en France de l'intéressé, à son intégration et à celle de sa famille, la mesure de reconduite a porté au droit de celui-ci au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure ; qu'ainsi le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 23 novembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Khaled X...
Y... et au ministre de l'intérieur.