Vu la requête, enregistrée le 3 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 mars 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 novembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Subramaniam X... en tant qu'il désigne le Sri-Lanka comme pays de destination ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 1998 en tant qu'il fixe le Sri-Lanka comme pays de destination ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Méda, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité sri-lankaise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 26 février 1998, de l'arrêté du 23 février 1998 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort de la rédaction de l'arrêté litigieux que celui-ci doit être regardé comme fixant le Sri Lanka comme pays de destination de M. X... ;
Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application du deuxième alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 modifiée, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que, si la commission des recours des réfugiés a, par une décision du 7 novembre 1997, confirmé la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides refusant à M. X... la qualité de réfugié, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des documents produits par M. X... devant le tribunal administratif de Paris, que l'intéressé, d'origine tamoule, a personnellement participé, avec d'autres membres de sa famille, au mouvement politique dénommé "Ltte" ; que sa maison familiale a été incendiée et son père tué lors d'opérations menées par les autorités militaires ; qu'eu égard à ces circonstances, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a pu, à bon droit, juger que l'arrêté ordonnant la reconduite de l'intéressé à la frontière était entaché d'illégalité en tant qu'il fixait le Sri-Lanka comme pays de destination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 novembre 1998 en tant qu'il fixe le Sri-Lanka comme pays de destination ;
Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, à M. Subramaniam X... et au ministre de l'intérieur.