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21/12/2001 | FRANCE | N°179211

France | France, Conseil d'État, 4 / 6 ssr, 21 décembre 2001, 179211


Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 5 avril 1996, l'ordonnance du même jour par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris transmet en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur la requête dont cette cour a été saisie par la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE ;
Vu la requête, présentée le 5 mars 1996 à la cour administrative d'appel de Paris pour la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE ; la SOCIETE IMMOBILIERE POU

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Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 5 avril 1996, l'ordonnance du même jour par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris transmet en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur la requête dont cette cour a été saisie par la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE ;
Vu la requête, présentée le 5 mars 1996 à la cour administrative d'appel de Paris pour la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE ; la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE demande à la cour administrative d'appel de Paris :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 14 décembre 1995 par lequel celui-ci a déclaré illégal l'arrêté du 9 février 1990 par lequel le maire de Boulogne-Billancourt a délivré à l'exposante un permis de construire ;
2°) de rejeter la demande de M. X... et Mme Y... tendant à ce que le permis de construire en date du 9 février 1990 accordé à la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE soit déclaré illégal ;
3°) de déclarer légal ledit permis de construire ;
4°) de condamner conjointement M. X... et Mme Y... à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pignerol, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 153-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur : "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L. 9 et à l'article L. 149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elle peuvent présenter leurs observations sur le moyen communiqué" ;
Considérant que les dispositions susénoncées, qui sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative, font obligation à la formation de jugement, lorsqu'elle entend soulever d'office un moyen qui n'a pas été invoqué par les parties ni relevé par son président avant la séance du jugement, de rayer l'affaire du rôle de ladite séance et de communiquer le moyen aux parties ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... et Mme Y... n'avaient pas soulevé, à l'appui de leur demande au tribunal administratif tendant à ce que soient déclarés illégaux les arrêtés des 16 juillet 1988 et 9 février 1990 du maire de Boulogne-Billancourt accordant un permis de construire à la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE, le moyen tiré de ce que l'article UB14 du règlement de plan d'occupation des sols dans sa rédaction issue de la révision du 30 janvier 1989 était illégal au regard des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ; que le tribunal administratif, en déclarant par ce motif illégal l'arrêté du 9 février 1990, qui s'était substitué selon lui à l'arrêté du 16 juillet 1988, sans avoir rayé l'affaire et informé les parties de son intention de relever le moyen susanalysé, a entaché son jugement d'irrégularité ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'annuler le jugement litigieux et de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de la demande de première instance ;
Sur la légalité des permis de construire :
Considérant que l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme prévoit que les plans d'occupation des sols qui, selon le 2°) de cet article, doivent "définir, en fonction des situations locales, les règles concernant le droit d'implanter des constructions, leur destination et leur nature" peuvent également, en vertu du 4°) de cet article, fixer pour chaque zone ou partie de zone un ou des coefficients d'occupation du sol qui déterminent, éventuellement pour chaque nature de construction, la densité de construction qui y est admise et, aux termes du 5°) dudit article, "délimiter les zones ou parties de zones dans lesquelles la reconstruction sur place ou l'aménagement des bâtiments existants pourra, pour des motifs d'urbanisme ou d'architecture, être imposé ou autorisé avec une densité au plus égale à celle qui était initialement bâtie, nonobstant les règles fixées au 4° ci-dessus" ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si les auteurs d'un plan d'occupation des sols peuvent, sur le fondement du 4°) de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme fixer des coefficients d'occupation du sol différents selon la nature des constructions, la faculté ainsi reconnue ne leur permet pas, compte tenu des règles spécifiques fixées par le 5° de cet article pour la reconstruction sur place ou l'aménagement des bâtiments existants, d'autoriser pour ces derniers, par dérogation aux coefficients d'occupation du sol normalement applicables, une règle autorisant une densité de construction supérieure à celle des bâtiments existants ;
Considérant qu'aussi bien l'article 14-5-3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Boulogne-Billancourt approuvé le 16 juillet 1988 que l'article 14-2 du règlement approuvé le 30 janvier 1989, autorisent, pour les constructions existantes ayant un coefficient d'occupation du sol supérieur à celui normalement applicable, à augmenter la surface hors oeuvre nette déjà construite de 10 p. 100 ; qu'ils prévoient ainsi un dépassement des règles de densité résultant de l'application des coefficients d'occupation du sol dans des conditions qui contreviennent aux prescriptions du 5°) de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ;
Considérant que ces dispositions illégales ont eu pour objet de rendre possible l'octroi des permis de construire accordés par le maire de Boulogne-Billancourt les 16 juillet 1988 et 9 février 1990 à la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE ; que ces permis de construire doivent en conséquence être déclarés illégaux ;
Considérant, par ailleurs, que si l'article L. 600-4-1 ajouté au code de l'urbanisme par l'article 37 de la loi du 13 décembre 2000, énonce que la juridiction administrative, lorsqu'elle "annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension", se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime, en l'état du dossier, susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, il résulte de leurs termes mêmes que ces dispositions ne visent pas le cas où, comme dans la présente espèce, le juge administratif est saisi d'un recours en appréciation de légalité à la suite d'un renvoi préjudiciel décidé par l'autorité judiciaire ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X... et Mme Y..., qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, soient condamnés à verser à la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE la somme que celle-ci demande ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de condamner la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE à verser à M. X... et Mme Y... la somme qu'ils demandent au titre des frais de même nature qu'ils ont exposés ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 14 décembre 1995 est annulé.
Article 2 : Il est déclaré que les arrêtés en date du 16 juillet 1998 et du 9 février 1990 par lesquels le maire de la commune de Boulogne-Billancourt a délivré des permis de construire à la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE sont entachés d'illégalité.
Article 3 : La SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE versera à M. X... et Mme Y... la somme de 20 000 F.
Article 4 : Les conclusions de la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE IMMOBILIERE POUR L'AUTOMOBILE ET LA MECANIQUE, à M. Jean-Nicolas X..., à Mme Jacqueline Y..., au maire de la ville de Boulogne-Billancourt et au greffier du tribunal de grande instance de Nanterre.


Sens de l'arrêt : Annulation évocation déclaration d'illégalité
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en appréciation de légalité

Analyses

- RJ1 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - LEGALITE DES PLANS - LEGALITE INTERNE - DISPOSITIONS RELATIVES AU COEFFICIENT D'OCCUPATION DES SOLS - Dérogations aux règles de C - O - S - Reconstruction de bâtiments existants - Possibilité d'autoriser une densité de construction supérieure à celle des bâtiments existants - Absence (1).

68-01-01-01-03-02 L'article L. 123-1 du code de l'urbanisme prévoit que les plans d'occupation des sols qui, selon le 2°) de cet article, doivent "définir, en fonction des situations locales, les règles concernant le droit d'implanter des constructions, leur destination et leur nature" peuvent également, en vertu du 4°) de cet article, fixer pour chaque zone ou partie de zone un ou des coefficients d'occupation du sol qui déterminent, éventuellement pour chaque nature de construction, la densité de construction qui y est admise et, aux termes du 5°) dudit article, "délimiter les zones ou parties de zones dans lesquelles la reconstruction sur place ou l'aménagement des bâtiments existants pourra, pour des motifs d'urbanisme ou d'architecture, être imposé ou autorisé avec une densité au plus égale à celle qui était initialement bâtie, nonobstant les règles fixées au 4° ci-dessus". Il résulte de ces dispositions que si les auteurs d'un plan d'occupation des sols peuvent, sur le fondement du 4°) de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme fixer des coefficients d'occupation du sol différents selon la nature des constructions, la faculté ainsi reconnue ne leur permet pas, compte tenu des règles spécifiques fixées par le 5° de cet article pour la reconstruction sur place ou l'aménagement des bâtiments existants, d'autoriser pour ces derniers, par dérogation aux coefficients d'occupation du sol normalement applicables, une règle autorisant une densité de construction supérieure à celle des bâtiments existants.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - Devoirs du juge - Obligation de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête susceptibles de fonder l'annulation (art - L - 600-4-1 du code de l'urbanisme) - Champ d'application - Exclusion - Recours en appréciation de légalité.

68-06 Si l'article L. 600-4-1 ajouté au code de l'urbanisme par l'article 37 de la loi du 13 décembre 2000, énonce que la juridiction administrative, lorsqu'elle "annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension", se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime, en l'état du dossier, susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, il résulte de leurs termes mêmes que ces dispositions ne visent pas le cas où le juge administratif est saisi d'un recours en appréciation de légalité à la suite d'un renvoi préjudiciel décidé par l'autorité judiciaire.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code de l'urbanisme L123-1, L600-4-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R153-3
Loi 2000-1208 du 13 décembre 2000 art. 37

1.

Rappr. CE, 1988-10-07, Commune de Saint-Romain-de-Popey, p. 332.


Publications
Proposition de citation: CE, 21 déc. 2001, n° 179211
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Pignerol
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Formation : 4 / 6 ssr
Date de la décision : 21/12/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 179211
Numéro NOR : CETATEXT000008091450 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2001-12-21;179211 ?
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