La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2001 | FRANCE | N°212990

France | France, Conseil d'État, 9 / 10 ssr, 21 décembre 2001, 212990


Vu la requête, enregistrée le 30 septembre 1999 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE PARTHENA S.A., dont le siège est ... ; la SOCIETE PARTHENA S.A. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 17 juin 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur recours du ministre de l'équipement, du logement, du transport et du tourisme, d'une part, annulé le jugement du 11 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société requérante la décharge de la participation pour dépassement du coeff

icient d'occupation des sols à laquelle elle a été assujettie au tit...

Vu la requête, enregistrée le 30 septembre 1999 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE PARTHENA S.A., dont le siège est ... ; la SOCIETE PARTHENA S.A. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 17 juin 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur recours du ministre de l'équipement, du logement, du transport et du tourisme, d'une part, annulé le jugement du 11 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société requérante la décharge de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols à laquelle elle a été assujettie au titre des travaux autorisés par un permis de construire délivré le 6 juin 1990 par le maire de Paris en vue de la construction d'un bâtiment situé ... (19ème) et, d'autre part, remis intégralement à sa charge cette participation d'un montant de 3 377 560 F ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 40 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 ;
Vu la loi n° 97-1239 du 29 décembre 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de la SOCIETE PARTHENA S.A.,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme : "La détermination de l'assiette et la liquidation des impositions dont la délivrance du permis de construire constitue le fait générateur peuvent être confiées, sur sa demande ou avec son accord, à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, lorsqu'elle est autre que l'Etat, par arrêté du préfet pris sur proposition du responsable du service de l'Etat dans le département, chargé de l'urbanisme. Cette autorité est substituée au responsable du service de l'Etat dans le département, chargé de l'urbanisme, pour exercer cette mission au nom de l'Etat" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en raison des travaux autorisés par un permis de construire délivré le 6 juin 1990 en vue de la construction d'un bâtiment situé ..., la SOCIETE PARTHENA S.A. a été assujettie à une participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols d'un montant de 3 377 560 F par une décision du maire de Paris, habilité à asseoir et à liquider cette participation par l'arrêté préfectoral du 30 mars 1984, pris pour l'application de l'article R. 424-1 précité du code de l'urbanisme ; que, par un jugement en date du 11 décembre 1996, le tribunal administratif de Paris a déchargé la SOCIETE PARTHENA S.A. de cette participation, pour un motif tiré de la publicité insuffisante dont l'arrêté du 30 mars 1984 aurait fait l'objet ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel a annulé ce jugement et remis à la charge de la société requérante la participation contestée, en se fondant sur les dispositions de l'article 31 de la loi du 29 décembre 1997, en vertu duquel "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont réputées régulières les impositions assises et liquidées jusqu'au 9 novembre 1995 en application de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme et sur le fondement de l'arrêté du préfet de Paris en date du 30 mars 1984, en tant qu'elles seraient contestées pour un motif tiré de l'incompétence du maire de Paris résultant du défaut d'affichage de l'arrêté précité" ;
Considérant que la SOCIETE PARTHENA S.A. a soutenu en première instance et devant le juge d'appel que la participation contestée était dépourvue de fondement légal en raison de l'irrégularité qui avait affecté la désignation des représentants du département de Paris au sein de la commission de travail chargée d'élaborer le plan d'occupation des sols de Paris approuvé le 20 novembre 1989 ; qu'en écartant le moyen au motif qu'il n'était pas allégué devant elle que cette irrégularité, dont elle admettait l'existence, ait eu une influence sur la légalité des dispositions qui constituent le fondement de la participation contestée, la cour administrative d'appel de Paris a dénaturé les écritures de la requérante ; qu'il y a lieu d'annuler son arrêt pour ce motif ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que les dispositions précitées de la loi du 29 décembre 1997 font obstacle à ce que les contribuables puissent utilement se prévaloir de la publicité insuffisante dont l'arrêté du 30 mars 1984 aurait fait l'objet ; que si la société requérante soutient que cette loi méconnaîtrait les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle", cet article ne peut être utilement invoqué devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil ; qu'ainsi, le motif tiré d'une insuffisante publication de l'arrêté du 30 mars 1984, sur lequel le tribunal administratif de Paris s'est fondé pour prononcer la décharge de la participation contestée, ne peut être maintenu ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société requérante à l'appui de sa demande en décharge ;
Sur la compétence du signataire de la décision d'assujettissement :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 30 mars 1984 du préfet de Paris : "En application de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme, sont confiées, à partir du 1er avril 1984, au maire de Paris, la détermination de l'assiette et la liquidation des impositions mentionnées ci-après : à la participation en cas de dépassement du coefficient d'occupation des sols" ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions et de celles de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme que la délégation qu'elles instaurent est une délégation de pouvoir, dont les effets sont indépendants de la personne du délégant et du délégataire ; qu'il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le remplacement de M. A... par M. Y..., en qualité de préfet de Paris, à compter du 14 septembre 1984 aurait rendu caduc l'arrêté du 30 mars 1984 et entaché, par suite, d'incompétence la décision d'assujettissement à la participation contestée ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 31 décembre 1982 relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, alors en vigueur : "Le maire de la commune peut donner sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de signature au secrétaire général de la mairie et aux responsables de services communaux" ; que les possibilités de délégation de signature ainsi reconnues au maire s'étendent aux décisions relevant des compétences qu'il exerce au nom de l'Etat et à celles qui lui ont été confiées en vertu de textes spécifiques tels que l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme ; que l'article 3 de l'arrêté du 24 mars 1989, publié au bulletin officiel de la Ville de Paris du 8 avril 1989, prévoit que la signature du maire de Paris est déléguée, pour la liquidation et le recouvrement de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols, à M. Z..., chef du bureau de la fiscalité et de la construction, et à son adjoint, M. X..., attaché d'administration ; que la circonstance que M. X... ne possède que le grade d'adjoint au chef du bureau de la fiscalité et de la construction est sans incidence sur la légalité de la délégation de signature consentie à ce dernier ; que M. X... avait donc compétence, contrairement à ce que soutient la SOCIETE PARTHENA S.A., pour signer au nom du maire de Paris la décision par laquelle la requérante a été assujettie à la participation contestée ;
Sur la légalité des dispositions du plan d'occupation des sols fondant la participation contestée :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce et issue du décret du 9 septembre 1983, pris pour l'application de la loi susvisée du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat : "L'établissement d'un plan d'occupation des sols est prescrit par délibération du conseil municipal" ; qu'il résulte de l'instruction que le Conseil de Paris a, par une délibération du 25 novembre 1985, décidé de poursuivre la procédure de révision du plan d'occupation des sols, initialement prescrite par un arrêté du 2 novembre 1981 du préfet de Paris, en vertu des dispositions applicables avant l'entrée en vigueur de la loi du 7 janvier 1983 ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, la procédure ayant conduit à l'approbation le 20 novembre 1989 d'un nouveau plan d'occupation des sols de Paris n'a pas été engagée de manière irrégulière ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 123-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : "Le conseil municipal arrête le projet de plan d'occupation des sols. Celui-ci est alors soumis pour avis aux personnes publiques associées à son élaboration ainsi que, à leur demande, aux communes limitrophes (°). Ces personnes donnent un avis dans les limites de leurs compétences propres, au plus tard trois mois après la transmission du projet de plan ; à défaut, ces avis sont réputés favorables" ; que si, dans certaines communes limitrophes, le conseil municipal n'a pas délibéré dans ce délai de trois mois et si son avis est par suite réputé favorable, ni cette circonstance ni l'envoi par le maire de ces communes d'une lettre mentionnant ses observations sur le projet de plan ne sont de nature à entacher la régularité de la procédure de révision du plan d'occupation des sols ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : "Le plan d'occupation des sols est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la communeà Sont associés à cette élaboration l'Etat et, à leur demande et dans les formes que la communeà détermine, la région, le départementà" ; qu'aux termes de l'article R. 123-3 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : "L'établissement d'un plan d'occupation des sols est prescrit par délibération du conseil municipal. Cette délibération fixe les modalités de l'association des personnes publiques autres que l'Etat à l'élaboration du plan d'occupation des sols" ; qu'aux termes de l'article R. 123-6 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : "La délibération prescrivant l'établissement du plan d'occupation des sols est notifiée par le maire aux présidents du conseil régional et du conseil général des régions et départements concernés. Dans un délai de deux mois à compter de la transmission de cette délibération, les présidents du conseil régional, du conseil généralà font connaître au maire s'ils veulent être associés à l'élaboration du plan d'occupation des sols selon les modalités prévues à l'article R. 123-3 et, dans l'affirmative, désignent à cet effet leurs représentants" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en application de l'article R. 123-3 précité, le conseil de Paris siégeant en formation de conseil municipal a adopté le 25 novembre 1985 une délibération prescrivant la poursuite de la révision du plan d'occupation des sols de la ville et instituant à cet effet une commission de travail composée, notamment, de "cinq représentants du Conseil de Paris, siégeant en formation de conseil général" ; qu'ayant décidé, en sa qualité de président du Conseil de Paris siégeant en formation de conseil général, d'associer le département à l'élaboration du plan d'occupation des sols conformément aux dispositions précitées de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme, le maire de Paris a pu, sans entacher la procédure d'une irrégularité substantielle, recueillir sous la forme d'un vote à main levée l'approbation du Conseil de Paris siégeant en formation de conseil général sur le nom des cinq élus par lesquels il avait choisi de se faire représenter dans la commission créée par la délibération du 25 novembre 1985 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-17 du code de l'urbanisme : "Le rapport de présentationà comporte la superficie des différents types de zones urbaines et de zones naturelles ainsi que des espaces boisés classés au titre de l'article L. 130-1 et, en cas de révision ou de modification d'un plan déjà existant, fait apparaître l'évolution respective de ces zones" ;
Considérant que le rapport de présentation définit la nouvelle zone ND créée en précisant qu'elle couvre l'ensemble des parcs et jardins, espaces verts publics et cimetières existant de plus de 1 000 mètres carrés et que les espaces verts publics de plus de 1 000 mètres carrés réalisés dans les zones d'aménagement concerté et les périmètres de sauvegarde lui seront intégrés après cet achèvement ; que le rapport indique, par ailleurs, que les dispositions protectrices de la zone ND se superposent à celles de la législation applicable aux espaces boisés classés, dont l'annexe au règlement du plan d'occupation des sols donne d'ailleurs la liste ; qu'au rapport de présentation est annexé un rapport répartissant le territoire de Paris selon les différentes zones du plan d'occupation des sols ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, les indications relatives aux superficies de la zone ND et des espaces boisés classés sont suffisantes au regard des prescriptions susrappelées de l'article R. 123-17 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'équipement, des transports et du logement est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 11 décembre 1996, le tribunal administratif de Paris a accordé à la SOCIETE PARTHENA S.A. la décharge de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols à laquelle elle a été assujettie pour un montant de 3 377 560 F ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE PARTHENA S.A. la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 17 juin 1999 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 11 décembre 1996 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol d'un montant de 3 377 560 F (514 905 euros) à laquelle la SOCIETE PARTHENA S.A. a été assujettie est intégralement remise à sa charge.
Article 3 : Les conclusions de la SOCIETE PARTHENA S.A. tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui rembourser les frais exposés par elle et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PARTHENA S.A. et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 9 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 212990
Date de la décision : 21/12/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

19-03-05-05 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXES ASSIMILEES - VERSEMENT POUR DEPASSEMENT DU COEFFICIENT D'OCCUPATION DES SOLS


Références :

Arrêté du 02 novembre 1981
Arrêté du 30 mars 1984 art. 1
Arrêté du 24 mars 1989 art. 3
Code de justice administrative L821-2, L761-1
Code de l'urbanisme R424-1, R123-3, L123-3, R123-6, R123-17
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6
Décret 83-312 du 09 septembre 1983
Loi 82-1169 du 31 décembre 1982 art. 37
Loi 83-8 du 07 janvier 1983
Loi 97-1239 du 29 décembre 1997 art. 31


Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2001, n° 212990
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mahé
Rapporteur public ?: M. Courtial

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:212990.20011221
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award