La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2001 | FRANCE | N°220997

France | France, Conseil d'État, 4 / 6 ssr, 21 décembre 2001, 220997


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Bernard Y..., professeur des universités, demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 novembre 1999 par laquelle le président de l'université de Paris VI a nommé, à sa place, M. Z... directeur de thèse de Mlle Gaëlle X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié fixant les dispositions statutaires communes applicables aux

enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professe...

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Bernard Y..., professeur des universités, demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 novembre 1999 par laquelle le président de l'université de Paris VI a nommé, à sa place, M. Z... directeur de thèse de Mlle Gaëlle X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et des maîtres de conférences ;
Vu l'arrêté du 30 mars 1992 relatif aux études doctorales ;
Vu le code de la justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pignerol, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de M. Y...,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que d'après l'article 16 de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, "le titre de docteur est conféré après la soutenance d'une thèse ou la présentation d'un ensemble de travaux scientifiques originaux" ; que le troisième alinéa de l'article 17 de la même loi habilite le ministre chargé de l'enseignement supérieur à fixer les règles communes pour la poursuite des études conduisant à des diplômes nationaux ainsi que les conditions d'obtention de ces titres et diplômes ; que sur ce fondement, l'arrêté du 30 mars 1992 relatif aux études de troisième cycle a, par son titre III, défini le régime des études doctorales ; qu'en outre, le ministre a, par un arrêté du 3 septembre 1998, invité chaque établissement public d'enseignement supérieur à adopter une charte des thèses ;
Considérant, d'une part, que l'arrêté du 30 mars 1992 énonce dans son article 20 que "l'autorisation d'inscription à la préparation du doctorat est prononcée par le président" ou le directeur d'un établissement d'enseignement supérieur public habilité, "sur proposition du responsable de l'école doctorale lorsqu'elle existe" ; qu'il est précisé que la demande d'inscription "doit comporter l'avis du directeur de thèse ou de travaux" et que cette inscription doit être renouvelée au début de chaque année universitaire ; que le même article prévoit qu'au moment de leur inscription, "les candidats déposent le sujet de leur recherche, après agrément par leur directeur de thèse" ; que selon l'article 22 de l'arrêté "les candidats effectuent leurs travaux sous le contrôle et la responsabilité de leur directeur de thèse ..." ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 25, "l'autorisation de présenter une thèse en soutenance est accordée par le chef d'établissement, sur avis du responsable de l'école doctorale lorsqu'elle existe, après avis du directeur de thèse ..." ; que l'article 26 dispose que "le jury de soutenance est désigné par le chef d'établissement sur avis du responsable de l'école doctorale si elle existe. Il comprend au moins trois membres parmi lesquels le directeur de thèse ..." ;
Considérant, d'autre part, que par une délibération de son conseil d'administration du 8 mars 1999 l'université Paris VI a approuvé une charte des thèses ; que s'il est prévu qu'au moment de son inscription le doctorant "signe" avec le directeur de thèse "la présente charte", une telle indication implique simplement que les intéressés ont pris connaissance de ce document et n'a pas pour objet et ne pourrait d'ailleurs avoir légalement pour effet d'établir une relation de nature contractuelle entre les signataires ; qu'eu égard à la circonstance que les usagers du service public de l'enseignement supérieur sont placés à l'égard de ce dernier dans une situation réglementaire, les dispositions de la charte des thèses adoptée par l'université Paris VI, s'appliquent aux doctorants dont les travaux sont en cours à la date de son adoption ; qu'au nombre de ces dispositions figurent celles du paragraphe 7 intitulé "Procédures de médiation" ; que lesdites procédures, qui ne revêtent qu'un caractère facultatif, habilitent le président à "prendre tous les avis nécessaires afin de résoudre le conflit" survenu entre un doctorant et un directeur de thèse ;

Considérant que le président de l'université Paris VI, saisi par Mlle X..., qui préparait depuis 1994 une thèse sous la direction du Pr Y..., d'un désaccord persistant opposant cette doctorante à son directeur de thèse, avait compétence sur le fondement des dispositions réglementaires précitées pour solliciter l'avis d'une commission issue du conseil scientifique de l'université aux fins d'examen du cas de l'intéressée et, au vu de l'avis émis par cet organisme, désigner par sa décision du 16 novembre 1999, avec l'accord de la doctorante, un nouveau directeur de thèse ;
Considérant que M. Y... a été préalablement informé de la mesure envisagée par le président du l'université pour régler le désaccord dont il était saisi dans des conditions le mettant à même de présenter ses observations ; que la décision contestée n'est donc pas intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le président de l'université Paris VI qui n'a pas substitué son appréciation personnelle à celle de M. Y... sur la valeur scientifique du travail accompli par Mlle X... et a suivi les recommandations formulées par la commission issue du conseil scientifique de l'université, n'a ni méconnu le principe de l'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de M. Y... doivent être rejetées ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'université de Paris VI, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard Y..., à Mlle Gaëlle X..., à l'université de Paris VI et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Formation : 4 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 220997
Date de la décision : 21/12/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET GRANDES ECOLES - UNIVERSITES - ORGANISATION DES ETUDES UNIVERSITAIRES - Etudes doctorales - Conflit entre un doctorant et un directeur de thèse - Résolution du conflit - Procédures prévues par la "Charte des thèses" - a) Portée juridique de la charte - Acte règlementaire s'appliquant aux travaux en cours - b) Compétence conférée par la charte au président de l'université - Désignation d'un nouveau directeur de thèse - Existence - c) Contrôle du juge de l'excès de pouvoir sur la décision de désigner un nouveau directeur de thèse - Contrôle restreint.

30-02-05-01-01 Président d'une université saisi par un doctorant d'un désaccord persistant l'opposant à son directeur de thèse. Université ayant, par une délibération de son conseil d'administration, approuvé une charte des thèses, ainsi que le ministre y a invité chaque établissement public d'enseignement par un arrêté du 3 septembre 1998. a) S'il est prévu dans la charte qu'au moment de son inscription le doctorant "signe" avec le directeur de thèse "la présente charte", une telle indication implique simplement que les intéressés ont pris connaissance de ce document et n'a pas pour objet et ne pourrait d'ailleurs avoir légalement pour effet d'établir une relation de nature contractuelle entre les signataires (1). Par ailleurs, eu égard à la circonstance que les usagers du service public de l'enseignement supérieur sont placés à l'égard de ce dernier dans une situation réglementaire, les dispositions de la charte des thèses adoptée par l'université s'appliquent aux doctorants dont les travaux sont en cours à la date de son adoption. b) Au nombre de ces dispositions figurent celles du paragraphe 7 intitulé "Procédures de médiation". Lesdites procédures, qui ne revêtent qu'un caractère facultatif, habilitent le président à "prendre tous les avis nécessaires afin de résoudre le conflit" survenu entre un doctorant et un directeur de thèse. Le président de l'université a compétence sur le fondement de ces dispositions réglementaires pour solliciter l'avis d'une commission issue du conseil scientifique de l'université aux fins d'examen du cas de l'intéressé et, au vu de l'avis émis par cet organisme, désigner, avec l'accord du doctorant, un nouveau directeur de thèse. Ce faisant, le président ne méconnaît pas le principe de l'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur. c) Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur la décision du Président de désigner un nouveau directeur de thèse.

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET GRANDES ECOLES - UNIVERSITES - PRESIDENTS D'UNIVERSITE - Pouvoirs du président - Compétence conférée par la "Charte des thèses" - Désignation d'un nouveau directeur de thèse en cas de conflit entre un doctorant et son directeur de thèse - a) Existence - b) Contrôle du juge de l'excès de pouvoir - Contrôle restreint.

30-02-05-01-038 Président d'une université saisi par un doctorant d'un désaccord persistant l'opposant à son directeur de thèse. Université ayant, par une délibération de son conseil d'administration, approuvé une charte des thèses, ainsi que le ministre y a invité chaque établissement public d'enseignement par un arrêté du 3 septembre 1998. Au nombre des dispositions de la charte figurent celles du paragraphe 7 intitulé "Procédures de médiation". a) Lesdites procédures, qui ne revêtent qu'un caractère facultatif, habilitent le président à "prendre tous les avis nécessaires afin de résoudre le conflit" survenu entre un doctorant et un directeur de thèse. Le président de l'université a compétence sur le fondement de ces dispositions réglementaires pour solliciter l'avis d'une commission issue du conseil scientifique de l'université aux fins d'examen du cas de l'intéressé et, au vu de l'avis émis par cet organisme, désigner, avec l'accord du doctorant, un nouveau directeur de thèse. Ce faisant, le président ne méconnaît pas le principe de l'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur. b) Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur la décision du Président de désigner un nouveau directeur de thèse.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTROLE DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR - APPRECIATIONS SOUMISES A UN CONTROLE RESTREINT - Enseignement supérieur - Etudes doctorales - Conflit entre un doctorant et son directeur de thèse - Désignation d'un nouveau directeur de thèse par le président de l'université en application de la "Charte des thèses".

54-07-02-04 Université ayant, par une délibération de son conseil d'administration, approuvé une charte des thèses, ainsi que le ministre y a invité chaque établissement public d'enseignement par un arrêté du 3 septembre 1998. Au nombre des dispositions de la charte figurent celles du paragraphe 7 intitulé "Procédures de médiation". Ces procédures, qui ne revêtent qu'un caractère facultatif, habilitent le président à "prendre tous les avis nécessaires afin de résoudre le conflit" survenu entre un doctorant et un directeur de thèse. Le président de l'université a compétence sur le fondement de ces dispositions réglementaires pour solliciter l'avis d'une commission issue du conseil scientifique de l'université aux fins d'examen du cas de l'intéressé et, au vu de l'avis émis par cet organisme, désigner, avec l'accord du doctorant, un nouveau directeur de thèse. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur la décision du Président de désigner un nouveau directeur de thèse.


Références :

Arrêté du 30 mars 1992 art. 20, art. 22, art. 25, art. 26
Arrêté du 03 septembre 1998
Code de justice administrative L761-1
Loi 84-52 du 26 janvier 1984 art. 16, art. 17

1.

Cf. CE 2000-03-20, Mayer et Richer, n° 202295.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2001, n° 220997
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Pignerol
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:220997.20011221
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award