Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 septembre 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... Camara ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Albanel, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité malienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification du 4 juin 1999 de la décision du même jour du PREFET DE POLICE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; que l'intéressé se trouvait ainsi dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet de police peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de la même ordonnance : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit ( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans, si au cours de la période, il a séjourné en qualité d'étudiant" ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération faite par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement résultant notamment d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... est entré en France le 16 janvier 1988 et qu'il y réside habituellement depuis cette date ; que, par suite, il pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application des dispositions précitées du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, dès lors, il ne pouvait faire légalement l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 septembre 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée :
Considérant que M. Y... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la société civile professionnelle Delaporte, Briard, avocat de M. Y..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à la SCP Delaporte, Briard, la somme de 8 000 F ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. Y..., une somme de 8 000 F, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. X... Camara et au ministre de l'intérieur.