La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2001 | FRANCE | N°231801

France | France, Conseil d'État, 2 / 1 ssr, 28 décembre 2001, 231801


Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Abdelkrim X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de l'ordonnance en date du 8 mars 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la suspension de la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
2°) la suspension de cette décision implicite ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance

n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Apr...

Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Abdelkrim X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de l'ordonnance en date du 8 mars 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la suspension de la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
2°) la suspension de cette décision implicite ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Verot, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;
Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé ; que si cette condition d'urgence est en principe remplie en cas de retrait ou de refus de renouvellement d'un titre de séjour, il appartient dans les autres cas au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. X..., à la suite de l'annulation par le jugement du 24 janvier 2000 du tribunal administratif de Melun de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 13 janvier 2000 par le préfet de Seine-et-Marne, au motif que cet arrêté avait méconnu son droit à une vie privée et familiale, a sollicité du préfet de la Haute-Vienne la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il a demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation et la suspension de l'exécution de la décision implicite de refus, née du silence gardé sur sa demande ;
Considérant qu'en se fondant, pour juger que la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'était pas remplie en l'espèce, sur la seule circonstance que M. X... était en possession depuis le 13 septembre 2000 d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de séjourner régulièrement sur le territoire français, sans répondre aux arguments invoqués par le requérant relatifs à la durée du délai écoulé depuis le dépôt de sa demande de titre de séjour, à l'impossibilité qui en résultait pour lui d'obtenir un emploi ou de prétendre à une couverture sociale, et à l'état de santé de sa femme qui rendait nécessaire sa présence auprès de celle-ci et l'occupation d'un emploi afin de pourvoir aux besoins de la famille, et sans rechercher si de telles circonstances ne caractérisaient pas la nécessité pour le requérant de bénéficier à bref délai d'une mesure provisoire, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a insuffisamment motivé son ordonnance ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. X... ;
Considérant qu'il appartenait à l'administration, pour l'exécution du jugement susmentionné du tribunal administratif de Melun du 24 janvier 2000, d'examiner la demande de titre de séjour présentée par M. X... et d'y statuer compte tenu de la nature du motif de l'annulation contentieuse tiré de l'atteinte excessive au droit à la vie privée et familiale ; que dans les circonstances particulières de l'espèce, où l'abstention prolongée de l'administration de statuer sur la demande de M. X..., alors même qu'elle a délivré à celui-ci une autorisation provisoire de séjour, le place dans l'impossibilité d'acquérir une situation stable sur le territoire français, d'exercer une activité professionnelle et de bénéficier d'une couverture sociale, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;
Considérant que les moyens tirés de ce que la décision attaquée aurait méconnu l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Melun le 24 janvier 2000, et de ce que celle-ci a été prise sur une procédure irrégulière faute que la commission instituée par l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ait été consultée, sont de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ;
Considérant que, lorsque le juge des référés est saisi de conclusions tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution d'une décision de rejet, il lui appartient, si les conditions mises à l'octroi de la suspension sont réunies, d'assortir le prononcé de la suspension de l'indication des obligations qui en découleront pour l'administration ;
Considérant que les deux conditions auxquelles l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonne la suspension d'une décision administrative sont réunies ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette suspension doit être assortie d'une injonction de statuer sur la demande de titre de séjour présentée par M. X... dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 5 980 F (911,65 euros) qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'ordonnance du 8 mars 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges est annulée.
Article 2 : L'exécution de la décision implicite, née du silence gardé par le préfet de la Haute-Vienne sur la demande de M. X... tendant à la délivrance d'un titre de séjour est suspendue. Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de procéder à un nouvel examen et de statuer sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat paiera une somme de 5 980 F (911,65 euros) à M. X... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Abdelkrim X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 231801
Date de la décision : 28/12/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ETRANGERS - SEJOUR DES ETRANGERS - REFUS DE SEJOUR.

PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE.


Références :

Code de justice administrative L521-1, L821-2, L761-1
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 12 quater


Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2001, n° 231801
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Verot
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:231801.20011228
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award