La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2001 | FRANCE | N°233508

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 28 décembre 2001, 233508


Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE qui demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 avril 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 3 avril 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Aïssata Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonn...

Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE qui demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 avril 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 3 avril 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Aïssata Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Delion, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait ( ...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Aïssata Y..., ressortissante ivoirienne, s'est maintenue sur le territoire national plus d'un mois à compter de la notification, le 24 janvier 2001, de la décision du 23 janvier 2001 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que si Mlle Y..., née en 1971 en Côte d'Ivoire, a séjourné en France de 1978 à 1994 auprès de sa mère qui a acquis la nationalité française, elle est retournée en Côte d'Ivoire de 1994 à 2000, où résident encore son père et ses deux demi-soeurs ; que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard tant à la durée et aux conditions du séjour en France de Mlle Y..., qui est célibataire et sans enfant et, ainsi qu'il vient d'être dit, n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, qu'aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour annuler l'arrêté contesté ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Sur la régularité de l'arrêté attaqué :
Considérant que l'arrêté attaqué a été signé par M. Hugues X..., secrétaire général de la préfecture du Val-d'Oise, qui a reçu délégation à cet effet en vertu de l'arrêté du PREFET DU VAL-D'OISE n° 00.021 du 17 avril 2000 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat du même jour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 3 avril 2001 serait entaché d'incompétence du signataire de l'acte manque en fait ;
Considérant que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, il est suffisamment motivé ;
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant que si Mlle Y... fait valoir que le PREFET DU VAL-D'OISE aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant l'arrêté attaqué, elle n'assortit ce moyen d'aucun élément de fait ou de droit permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi, le moyen ne peut qu'être rejeté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité ( ...) ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible" ; qu'aux termes de l'article 27 ter de la même ordonnance : "La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même ( ...)" ; qu'il découle de la combinaison de ces articles que la décision fixant le pays de la reconduite peut être un acte distinct de l'arrêté de reconduite lui-même ; que, dès lors, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance précitée en ne mentionnant pas le pays à destination duquel Mlle Y... devra être reconduite ;
Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'un arrêté de reconduite à la frontière qui ne précise pas, par lui-même, le pays de destination de Mlle Y... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à demander l'annulation du jugement du 19 avril 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 3 avril 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Y... ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 avril 2001 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle Y... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-D'OISE, à Mlle Aïssata Y... et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté 00 du 17 avril 2000
Arrêté du 03 avril 2001
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 27 bis


Publications
Proposition de citation: CE, 28 déc. 2001, n° 233508
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Delion
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Formation : 3 ss
Date de la décision : 28/12/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 233508
Numéro NOR : CETATEXT000008120187 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2001-12-28;233508 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award