La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/01/2002 | FRANCE | N°215236

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 18 janvier 2002, 215236


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 décembre 1999, présentée par M. Tarek X..., élisant domicile à l'association La défense libre, ... ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 octobre 1999 du préfet du Rhône ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays à destination

duquel il doit être reconduit ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet a...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 décembre 1999, présentée par M. Tarek X..., élisant domicile à l'association La défense libre, ... ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 octobre 1999 du préfet du Rhône ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 30 jours sous astreinte de 200 F par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X... soutient que l'arrêté litigieux ne lui aurait pas été effectivement notifié à la date indiquée sur l'accusé de réception postal, le pli recommandé qui le contenait ayant été remis au directeur du foyer où il résidait, lequel en aurait, sans y être autorisé, signé l'accusé de réception ; que la remise d'un pli recommandé à une personne tierce, qui ne résidait pas avec le destinataire et qui n'avait pas reçu procuration de celui-ci, ne constitue pas une notification régulière de nature à faire courir le délai de recours contentieux ; qu'ainsi M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté son recours comme tardif ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ....) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ....)" ; qu'aux termes de l'article 12 bis de la même ordonnance : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit ( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant" ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération faite par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé se voit attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., ressortissant tunisien, entré en France en 1989 sous couvert d'un visa de court séjour, justifie par des documents circonstanciés qu'il y avait résidé habituellement, à la date de l'arrêté attaqué, depuis plus de dix ans ; que, par suite, le préfet du Rhône ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône en date du 29 octobre 1999 ordonnant sa reconduite à la frontière et à l'annulation de la décision du même jour décidant son éloignement du territoire français à destination de la Tunisie ;
Sur la demande de M. X... tendant à la délivrance d'un titre de séjour :
Considérant qu'aux termes du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, ( ...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas" ; qu'il y a lieu, par application de ces dispositions, d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à M. X... une autorisation provisoire de séjour ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X... partie de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 18 novembre 1999 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 29 octobre 1999 du préfet du Rhône ordonnant la reconduite à la frontière de M. Tarek X... et la décision du même jour fixant le pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. X... une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 450 euros (2 951,80 F) au titre de l 'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Tarek X..., au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 29 octobre 1999
Code de justice administrative L761-1
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 25, art. 12 bis, art. 22 bis


Publications
Proposition de citation: CE, 18 jan. 2002, n° 215236
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Formation : President de la section du contentieux
Date de la décision : 18/01/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 215236
Numéro NOR : CETATEXT000008024642 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2002-01-18;215236 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award