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04/02/2002 | FRANCE | N°235370

France | France, Conseil d'État, 04 février 2002, 235370


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 29 et 30 juin et 2 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Rabah X..., demeurant chez M. Mouloud X..., 12, bld de la République à la Garenne Colombes (92250) ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 mars 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2000 par lequel le préfet de Hauts-de-Sei

ne a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destinatio...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 29 et 30 juin et 2 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Rabah X..., demeurant chez M. Mouloud X..., 12, bld de la République à la Garenne Colombes (92250) ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 mars 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2000 par lequel le préfet de Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
3°) de suspendre l'exécution dudit jugement ;
4°) d'annuler la décision du 12 juillet 2000 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
5°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour ;
6°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 500 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 17 juillet 2000, de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 12 juillet 2000 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que, par un arrêté du 2 septembre 1999, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le préfet des Hauts-de-Seine a donné à M. Y..., secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Y... n'aurait pas été compétent, faute d' être titulaire d'une délégation régulière pour signer l'arrêté attaqué manque en fait ;
Considérant que la circonstance que l'ampliation de l'arrêté litigieux notifiée à M. X... ne porte pas la signature du préfet est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ;
Considérant que l'arrêté attaqué comporte l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;
Considérant qu'en indiquant que le fait de refuser à M. X... son admission au séjour n'était pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas exclu la possibilité de régularisation de la situation du requérant et n'a, dès lors, pas méconnu l'étendue de sa compétence ;
Considérant que si M. X... soutient qu'il n'a pas été placé en rétention administrative, il ressort des pièces du dossier que le préfet ne s'est pas fondé sur cette circonstance pour prononcer la mesure de reconduite à la frontière ; que, dès lors et en tout état de cause, la circonstance que l'arrêté attaqué vise l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée est sans influence sur sa légalité ;
Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Sur l'exception d'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant qu'au terme de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers: "Sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, sous réserve des nécessités de l'ordre public et de la conduite des relations internationales, et exception faite au cas où il est statué sur une demande présentée par l'intéressé lui-même, les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé ait été mis à même de présenter des observations écrites" ;
Considérant que la demande de titre de séjour émanant de M. X... lui-même, le préfet des Hauts-de-Seine n'était pas tenu de l'entendre avant de lui refuser ce titre ;
Considérant que l'article 7 de l'accord franco-algérien susvisé subordonne la délivrance aux ressortissants algériens d'un certificat de résidence d'un an portant la mention "visiteur" à la condition notamment que les intéressés justifient de moyens d'existence suffisants ; qu'aux termes de l'article 7 bis du même accord : "Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande (.)" ;
Considérant qu'à la date du refus de titre de séjour opposé à M. X..., celui-ci ne justifiait pas pouvoir vivre de ses seules ressources sur le territoire français ; que la seule délégation de gestion de comptes bancaires des membres de sa famille est insuffisante à cet égard ; que, dès lors, M. X... ne remplissait pas les conditions exigées par les stipulations précitées pour bénéficier d'un certificat de résidence d'un an comme visiteur ou d'un certificat de résidence de dix ans ;
Considérant que si M. X..., entré en France en 1994, âgé de 34 ans, célibataire et sans charge de famille, fait valoir que son père est titulaire d'un certificat de résidence d'Algérien et qu'il a lui même tissé de nombreux liens en France, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. X..., la décision du préfet des Hauts-de-Seine en date du 12 juillet 2000 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations les dispositions de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant, dès lors, et en tout état de cause, que le préfet n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Considérant que la circonstance le père de M. X..., en France depuis 1968, est titulaire d'un certificat de résidence d'Algérien, n'est pas de nature à établir qu'il pourrait lui même prétendre à la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'Algérien ;
Sur les autres moyens:

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 8 novembre 2000 n'a pas porté au droit de M. X... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que les circonstances que M. X... doit prendre en charge ses parents, au chômage, ainsi que son frère, qu'il est poursuivi par ses créanciers en Algérie et qu'il aurait mis sur pied des activités d'affaires en France ne suffisent pas à établir que le préfet, en prenant la décision litigieuse, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;
Considérant que si M. X... soutient que l'arrêté attaqué constitue une expulsion déguisée, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi ;
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué ne préjudicie pas au droit de M. X... de se défendre dans les instances qu'il a engagées contre ses créanciers ; que, par suite, en tout état de cause, l'arrêté attaqué ne saurait être regardé comme privant M. X... de son droit à des procès équitables en l'obligeant à quitter le territoire ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite :
Considérant que si M. X... fait valoir qu'il a reçu des menaces de mort de la part de ses créanciers, il ne produit, à l'appui de ses allégations, aucune justification susceptible d'établir qu'il court personnellement des risques en cas de retour dans son pays ; que le moyen ne peut, par suite et en tout état de cause, qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour :
Considérant que si M. X... était recevable à exciper de l'illégalité de la décision du préfet des Hauts-de-Seine lui refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'appui de sa requête à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, ses conclusions à fin d'annulation de ladite décision ne sont pas recevables devant le juge de la reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :
Considérant que la présente décision qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. X... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de régulariser sa situation administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Rabah X..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 235370
Date de la décision : 04/02/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Accord du 27 décembre 1968 France Algérie art. 7, art. 7 bis
Arrêté du 02 septembre 1999
Arrêté du 08 novembre 2000
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 35 bis, art. 12 bis, art. 12 quater


Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2002, n° 235370
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:235370.20020204
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