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13/02/2002 | FRANCE | N°219785

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 13 février 2002, 219785


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril 2000 et 28 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean ABRAN, ancien président du tribunal de commerce de Toulon, demeurant ... ; M. ABRAN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 2 décembre 1999 par lequel la Cour des comptes l'a, d'une part, déclaré comptable de fait des deniers de l'Etat à raison du maniement des fonds versés sur les comptes en banque qui lui avaient été ouverts en sa qualité de président du tribunal de commerce de

Toulon ou au nom du tribunal et, d'autre part, l'a déclaré comptable ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril 2000 et 28 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean ABRAN, ancien président du tribunal de commerce de Toulon, demeurant ... ; M. ABRAN demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 2 décembre 1999 par lequel la Cour des comptes l'a, d'une part, déclaré comptable de fait des deniers de l'Etat à raison du maniement des fonds versés sur les comptes en banque qui lui avaient été ouverts en sa qualité de président du tribunal de commerce de Toulon ou au nom du tribunal et, d'autre part, l'a déclaré comptable de fait des deniers de l'Etat à raison de la réception et de l'emploi des fonds versés sur les comptes en banque ouverts au nom de l'association des magistrats consulaires du tribunal de commerce de Toulon et destinés au paiement de dépenses de fonctionnement de ce tribunal ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant, d'une part, que l'article L. 131-2 du code des juridictions financières dispose : "La Cour des comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait ... Les dispositions définitives des arrêts portant sur des gestions de fait sont délibérées après l'audition, à leur demande, des personnes déclarées comptables de fait ..." ; qu'aux termes de l'article R. 131-3 du même code : "La Cour des comptes rend des arrêts par lesquels elle statue à titre provisoire ou à titre définitif. La procédure devant la Cour est écrite et contradictoire. Les dispositions provisoires des arrêts enjoignent, en tant que de besoin, au comptable de rapporter, dans un délai fixé par la Cour et ne pouvant être inférieur à un mois, toutes explications ou justifications à sa décharge" ;
Considérant, d'autre part, que l'article L. 136-1 du code des juridictions financières est ainsi rédigé : "La Cour des comptes adresse au Président de la République et présente au Parlement un rapport annuel, dans lequel elle expose ses observations et dégage les enseignements qui peuvent en être tirés" ; qu'aux termes de l'article L. 136-5 du même code : "Le rapport de la Cour des comptes ... est publié au Journal officiel de la République française ..." ;
Considérant que la quatrième chambre de la Cour des comptes, statuant provisoirement par un arrêt n° 16292 du 7 mai 1997, a, d'une part, déclaré M. Jean ABRAN, président du tribunal de commerce de Toulon, comptable de fait des deniers de l'Etat à raison du maniement des fonds versés sur le compte en banque qui lui avait été ouvert en cette qualité et, d'autre part, déclaré M. ABRAN, président du tribunal de commerce de Toulon et de l'association des magistrats consulaires de ce tribunal, comptable de fait des deniers de l'Etat à raison de la réception et de l'emploi des fonds versés sur le compte ouvert au bénéfice de cette association et destinés au paiement de dépenses de fonctionnement de ce tribunal ; que le rapport public de la Cour des comptes pour l'année 1997, édité en novembre 1997 par le Journal officiel a fait état, aux pages 59 à 72, de "la gestion extra-budgétaire des tribunaux de commerce" ; que la Cour des comptes, citant à plusieurs reprises pour illustrer ses propos le cas du tribunal de commerce de Toulon, soulignait l'irrégularité des pratiques consistant pour les tribunaux de commerce, sans mettre en oeuvre la procédure du rattachement au budget de l'Etat par voie de fonds de concours, à financer une part souvent importante de leurs dépenses de fonctionnement grâce à des subventions allouées par des établissements publics ou des collectivités territoriales, versées sur des comptes bancaires ouverts au nom des présidents des tribunaux ou d'associations transparentes créées à cet effet ; qu'enfin, par l'arrêt attaqué, n° 24414 du 2 décembre 1999, la 2ème chambre de la Cour des comptes, statuant définitivement, a confirmé la déclaration de gestion de fait visant M. ABRAN ;

Considérant que, eu égard à la nature des pouvoirs du juge des comptes et aux conséquences de ses décisions pour les intéressés, tant le principe d'impartialité que celui des droits de la défense font obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle prononçant la gestion de fait soit régulièrement rendue par la Cour des comptes alors que, comme en l'espèce, celle-ci a précédemment évoqué cette affaire dans un rapport public en relevant l'irrégularité des faits ; que, par suite, M. ABRAN est fondé à soutenir que la Cour des comptes ne pouvait plus régulièrement statuer et à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions de M. ABRAN tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à M. ABRAN une somme de 1524,49 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la Cour des comptes n° 24414 du 2 décembre 1999 est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à M. ABRAN une somme de 1524,49 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean ABRAN, au procureur général près la Cour des comptes et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 6 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 219785
Date de la décision : 13/02/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-01-04 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES COMPTES.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code des juridictions financières L131-2, R131-3, L136-1, L136-5


Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2002, n° 219785
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Vialettes
Rapporteur public ?: M. Seban

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:219785.20020213
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